Portée par l’innovation numérique et une demande mondiale en plein essor, l’apiculture africaine connaît une croissance rapide. Mais pour s’imposer durablement à l’échelle internationale, le secteur doit encore surmonter de nombreux obstacles.
Bien qu’encore considérée comme une filière mineure dans de nombreux pays africains, l’apiculture joue un rôle économique, social et environnemental de plus en plus important sur le continent. En 2023, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé la production mondiale de miel à 1,894 million de tonnes, l’Afrique affichant le taux de croissance le plus élevé. Avec un volume de production annuel de 223 000 tonnes en 2023, l’Afrique représente 12 % de la production mondiale de miel. Ce chiffre marque une progression notable : en 2013, la part de l’Afrique était d’environ 10 % avec 155 000 tonnes produites.
Selon le rapport « Technologies et solutions numériques pour l’apiculture », publié par la FAO en mai 2025, cette production peut encore augmenter tout comme le gain financier pour l’Afrique grâce à l’adoption de nouvelles approches faisant la part belle à la technologie pour améliorer la gestion des colonies, assurer la traçabilité des produits et accéder à de nouveaux débouchés.
Des outils connectés pour une apiculture de précision
Dans certains pays, la transformation numérique du secteur est déjà en cours via des applications adaptées aux réalités locales. Au Burkina Faso, la start-up Smart-Apic a mis au point une plateforme qui permet de surveiller les ruches à distance à l’aide de capteurs connectés et d’une application mobile. Les données collectées (poids, température, humidité, comportement des abeilles) facilitent la détection précoce des maladies, optimisent les récoltes et réduisent les pertes.
En Ethiopie, Abiye Tadeos, via sa start-up Anabi Agritech Solutions, propose des services d’apiculture intelligente basés sur l’Internet des objets (IoT), permettant de suivre en temps réel l’état des ruches, même dans les zones rurales reculées.
Ces innovations numériques, souvent développées par des start-up locales, ont pour objectif principal l’augmentation de la productivité tout en allégeant la pénibilité du travail.
Traçabilité, blockchain et accès aux marchés internationaux
L’un des principaux défis de l’apiculture africaine reste la valorisation du miel sur les marchés formels et à l’export. La traçabilité, désormais facilitée par les applications mobiles et la blockchain, devient un atout commercial majeur. Elle garantit la lutte contre la contrefaçon qui déprécie la valeur du produit auprès des consommateurs. D’après la FAO, l’intégration de la blockchain dans la chaîne de valeur apicole atteste de l’origine, de la pureté et de la qualité du miel, des critères de plus en plus recherchés par les marchés internationaux et les labels bio.
La numérisation favorise également l’accès à l’information sur les prix, la demande et les tendances du marché grâce à des plateformes d’échange ou des groupes WhatsApp et Telegram, ajoute la FAO. Les petits producteurs peuvent ainsi mieux négocier et limiter leur dépendance vis-à-vis des intermédiaires souvent coûteux.
Renforcement des capacités et inclusion numérique
L’adoption des technologies numériques dépasse les seuls outils de production : plateformes d’information, applications de formation et les réseaux sociaux professionnels jouent un rôle déterminant dans le renforcement des compétences des apiculteurs. Elles facilitent l’accès à l’expertise, la diffusion des bonnes pratiques et encouragent la création de communautés d’entraide, essentielles pour renforcer la résilience du secteur face aux aléas climatiques et sanitaires.
Cependant, l’adoption de ces innovations reste freinée par le coût des équipements, le manque d’accès au crédit et la faible maîtrise des outils numériques dans certaines zones rurales. Les experts de la FAO recommandent de privilégier des solutions simples, abordables et adaptées au contexte local, ainsi que développer des programmes de formation spécifiquement destinés aux femmes et aux jeunes.
Perspectives et enjeux pour les acteurs économiques
Selon Global Market Insights, le marché mondial de l’apiculture a dépassé 10,5 milliards de dollars en 2024 et devrait croître de 4,2 % par an jusqu’en 2034, tiré par la demande de produits naturels, de miel bio et de solutions de pollinisation pour l’agriculture durable. Dans ce contexte, la croissance rapide de la production africaine, qui représente déjà 12 % du volume mondial, place le continent en position stratégique pour capter une part croissante de ce marché, à condition d’investir intelligemment dans la numérisation, la certification et la formation des acteurs de la filière.
Pour les investisseurs, les ONG et les pouvoirs publics, l’enjeu est de faciliter l’accès aux technologies, de renforcer les infrastructures numériques et de promouvoir des modèles d’apiculture durable et inclusive. Des initiatives comme Smart-Apic ou Anabi Agritech Solutions illustrent le potentiel de l’innovation locale pour transformer durablement la filière, à condition d’être soutenues par des politiques publiques ambitieuses et des financements adéquats.
Melchior Koba
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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