Les opérateurs télécoms africains s’entendent pour des smartphones de qualité à 30-40$

Par : Muriel Edjo

Date de création : vendredi, 24 octobre 2025 15:19

En 2023, seulement 27% de la population d’Afrique subsaharienne avait accès à l’Internet mobile, selon la GSMA. L’accessibilité financière des smartphones est l’une des principales causes de cette fracture numérique.

L’Association mondiale des opérateurs télécom (GSMA) et six grands opérateurs africains, dont Orange, se mobilisent pour élargir l’accès des Africains au smartphone. Le mardi 21 octobre, lors du Mobile World Congress de Kigali au Rwanda, ils ont présenté un accord sur un standard technique minimal (mémoire/RAM, écran, batterie, caméra, etc.), garantissant un appareil de qualité offrant une expérience 4G « suffisante » et durable, au prix compris entre 30 et 40 $.

Selon la GSMA, la valeur des composants physiques d’un smartphone (écran, processeur, mémoire, radio, batterie, etc.) représente 50 à 70 % de son coût total. Mais aucun composant, pris isolément, ne permet de réduire le prix sans dégrader l’expérience utilisateur (trop peu de mémoire, caméra médiocre, batterie qui surchauffe…). Une baisse durable des prix nécessite à la fois d’optimiser la valeur des composants, de produire en volume (effets d’échelle) et de rationaliser tout ce qui entoure la production : brevets, licences, logistique, marges des distributeurs. La standardisation permet à tous de commander le même modèle, ce qui incite les fournisseurs (écrans, batteries, etc.) à réduire leurs prix grâce aux volumes importants. L’objectif du standard GSMA est exactement cela : fédérer les commandes autour d’un modèle unique, rassurer les fabricants et permettre une production en grande série à moindre coût.

Comment atteindre l’objectif ?

Pour concrétiser cette vision, la coalition s’appuiera sur deux leviers. Dans les prochains mois, la GSMA prévoit de collaborer avec les fabricants d’équipements d’origine (OEM) et les entreprises technologiques pour discuter des exigences minimales et obtenir leur soutien en faveur d’appareils 4G abordables. Parallèlement, elle encourage les gouvernements africains à supprimer rapidement les taxes sur les smartphones d’entrée de gamme, dont le prix est inférieur à 100 dollars. Par exemple, en Afrique du Sud, en mars 2025, les autorités ont supprimé les droits d’accise pour les smartphones coûtant moins de 2 500 rands (136 $), afin de réduire la barrière d’accès pour les ménages modestes.

« Dans certains pays, la TVA et les droits d’importation peuvent augmenter le prix des appareils de plus de 30 %, ce qui alourdit directement le coût pour les citoyens et freine l’inclusion numérique », dénonce l’Association. Vivek Badrinath, directeur général de la GSMA, précise : « L’accès à un smartphone n’est pas un luxe, c’est un lien vital vers les services essentiels, les opportunités de revenus et la participation à l’économie numérique. En s’unissant autour d’une vision commune pour des appareils 4G abordables, les principaux opérateurs africains et la GSMA envoient un signal fort aux fabricants et aux décideurs politiques. »

Pourquoi c’est décisif ?

En Afrique, le principal frein à l’accès aux services mobiles n’est plus la couverture réseau, mais le coût des téléphones. Au cours des dix dernières années, les sociétés de téléphonie ont beaucoup investi pour étendre leur couverture et répondre à la demande croissante en connectivité. Ainsi, en 2024, la couverture mobile sur le continent atteignait 86 % pour la 3G, 71 % pour la 4G et 11 % pour la 5G, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cependant, seuls 52 % des Africains étaient connectés au haut débit mobile.

1 GMSA

GSMA Intelligence estime qu’un smartphone à 40 dollars pourrait permettre à 20 millions de personnes supplémentaires en Afrique subsaharienne d’accéder à Internet mobile, tandis qu’un appareil à 30 dollars pourrait connecter 50 millions de personnes.

Pour qu’un smartphone soit considéré abordable, la GSMA indique qu’il doit représenter entre 15 % et 20 % du revenu mensuel moyen. Cette proportion se base sur l’observation des pays où l’adoption des smartphones est élevée (plus de 60 %, 70 % et 80 %). Selon la Banque mondiale, dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le coût d’un smartphone d’entrée de gamme représente en moyenne 18 % du revenu mensuel d’un adulte. Pour les 40 % des ménages les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, ce chiffre grimpe à 73 %.

Pour les opérateurs télécom, démocratiser le smartphone n’est pas anodin : cela signifie un volume plus important de consommateurs d’Internet et, par conséquent, une augmentation de leurs revenus issus des données.

Au-delà de l’aspect technique et fiscal

Rendre le smartphone réellement accessible ne se limite pas à en réduire le prix. Il faut combiner plusieurs leviers pour abaisser la barrière d’entrée et garantir un usage durable. Le financement joue un rôle clé : proposer des paiements échelonnés via les opérateurs ou des microcrédits adaptés aux revenus irréguliers, avec une transparence totale sur les frais et une assurance en cas de panne, facilite l’accès. L’après-vente est tout aussi déterminante : disposer d’un réseau de réparation de proximité, de pièces détachées disponibles et de prix plafonnés prolonge la durée de vie des appareils, réduit les déchets et protège le pouvoir d’achat.

Les compétences numériques sont également cruciales. Beaucoup de personnes perçoivent encore le smartphone comme un produit de luxe simplement parce qu’elles ne savent pas l’utiliser. Former les utilisateurs aux fonctions de base augmente leur autonomie et valorise l’appareil, ce qui relativise son coût face à son utilité quotidienne.

En combinant ces différents leviers, l’acquisition d’un smartphone devient un véritable investissement. L’appareil se transforme en outil de travail, de formation et d’accès aux droits essentiels. Pour que cette dynamique fonctionne sur le long terme, il est nécessaire que les politiques publiques et l’industrie co-conçoivent des parcours complets, depuis l’achat jusqu’à la maintenance, afin que le smartphone devienne un vecteur durable d’inclusion numérique.

Muriel Edjo

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