Adnane Ben Halima : « sans confiance, il n’y a pas de développement »

Par : Muriel Edjo

Date de création : jeudi, 16 mars 2023 08:09

Habitué des grands rendez-vous mondiaux de la tech, Huawei Technologies a une fois encore pris part au Mobile World Congress (MWC). L'évènement 2023 s’est tenu du 27 février au 2 mars à Barcelone en Espagne. Durant cette rencontre internationale, le vice-président en charge des affaires publiques pour la branche Afrique du Nord, a échangé avec We Are Tech sur quelques-unes des grandes thématiques mises en avant par le groupe chinois.

Qu’est-ce qui justifie l’intérêt croissant que Huawei porte au Cloud en Afrique ?

Pour tout le monde, lorsqu’on parle d’infrastructure numérique, on voit tout d’abord la partie connectivité. Mais à l’ère dans laquelle nous vivons actuellement, la connectivité génère beaucoup de données. Et il faut avoir derrière cette connectivité les bonnes plateformes pour stocker et gérer toutes ces données. C’est dans ce sens-là que nous parlons de cloud et de datacenters.  

Nous pensons que le cloud et les datacenters sont une partie intégrante de l’infrastructure numérique d’un pays. Ils sont indispensables pour gérer la transformation numérique qui s’opère actuellement à tous les niveaux au sein de nombreux pays. Il existe déjà plusieurs offres de cloud public dont fait évidemment partie Huawei, mais dans certains cas on doit parler de souveraineté numérique et le cloud souverain devient un sujet stratégique au plan national pour gérer des questions relatives aux services E-Gov, fintech et autres. Au regard de cette importance, nous essayons à Huawei de sensibiliser sur cette thématique, de former des personnes compétentes au niveau local parce que la souveraineté passe aussi par-là, et nous essayons d’aider les start-up à développer leurs activités dans le cloud afin de gagner une ouverture plus importante et une exposition internationale. Pour nous, le sujet du cloud est très important sur tous ces angles de vue et nous initions plusieurs actions pour accompagner le développement rapide des acteurs locaux dans ce sens.

Vous parliez tantôt de soutien aux start-up. Comment le cloud peut avoir un impact sur leur croissance ?

Le cloud permet en fait de centraliser tous les systèmes informatiques et permet à tout le monde d’y avoir accès de façon contrôlée, à tout moment et en tous lieux. Du coup, ça facilite et fluidifie les échanges entre les personnes, améliore l’efficacité au sein de l’entreprise. Le cloud favorise aussi une certaine optimisation des systèmes informatiques de l’entreprise.  Dans l’ancien modèle, chaque personnel utilise son matériel informatique dans son coin et ce n’est pas forcément source d’efficacité, ni en matière de coût ni en matière de maintenance ou de performance. Du coup, l’utilisation du cloud améliore ces aspects là et permet un meilleur échange entre les acteurs puisque le cloud et les systèmes informatiques sont accessibles de partout et à tout moment, et il n’y a pas de problème de sécurité, de perte de données, de perte de matériel physique, etc. Les cloud sont généralement soumis à des standards extrêmement rigoureux.

Le Cloud pour une entreprise c’est aussi une exposition internationale. Par exemple, une start-up ivoirienne peut vendre ses services à Singapour sans avoir à se heurter à des contraintes géographiques. Elle peut accéder à ses systèmes partout dans le monde avec le cloud et proposer ses offres.

Concrètement, comment se matérialise l’accompagnement de Huawei dans l’appropriation du Cloud par les start-up d’Afrique ?

Nous avons lancé un programme de soutien aux start-up qui s’appelle Spark. Il est essentiellement axé sur les technologies du cloud. Ce programme vise en fait à sélectionner des start-up qui bénéficieront par la suite de plusieurs avantages suivant leur catégorie. Elles vont bénéficier de formations sur le cloud, l’intelligence artificielle, de logiciels et d’autres technologies. L’IA couplé maintenant au cloud développera davantage la puissance dans l’usage du cloud. Nous formerons aussi les start-up dans l’amélioration de leurs usages d’affaires, nous leur fourniront des subventions financières, nous leur donneront des accès gratuits sur le cloud public de Huawei, et enfin nous leur fournirons de la visibilité dans les évènements majeurs auxquels Huawei participe pour une mise en relation avec nos partenaires, nos clients, les investisseurs, etc., pour qu’elles grandissent.

Dans quels pays ce programme a déjà été lancé et quels sont les ambitions 2023 ?

Le programme a commencé à la fin de l’année dernière. Il a été lancé en première étape en Egypte, au Maroc et en Tunisie. Et cette année de nouveaux pays sont ciblés, notamment la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou encore le Sénégal.

Comment le cloud est-il associé à la connectivité ?

Le cloud, pour en faire bon usage, il faut avoir une bonne connectivité. Si vous avez une puissance de calcul énorme sur le cloud et une grande capacité de stockage à laquelle vous accédez avec un faible débit, ça ne marchera pas. La connectivité sera un goulot d’étranglement dans ce cas. Il faut avoir une bonne connexion pour pouvoir profiter de la vraie puissance du cloud.

Aujourd’hui, la 5G prend de l’ampleur à travers le monde. Qu’est-ce que Huawei fait pour démontrer les enjeux stratégiques autour de cette technologie aux acteurs publics et privés qui demeurent assez attentistes sur le continent ?

Depuis un certain nombre d’années, nous essayons de sensibiliser les différents protagonistes de l’écosystème sur la vraie puissance de la 5G. Nous essayons surtout de préparer les scénarios d’usage. Nous avançons. La 5G arrivera cette année dans certains pays et l’année prochaine dans d’autres. Dans tous les cas elle arrive. Mais pour bénéficier de la vraie puissance de cette technologie, il faut préparer les cas d’usage qui la mettent en valeur.  On trouvera des scénarios essentiellement Business-to-Business (B2B) qui impacteront avec plus de force l’économie numérique et l’économie en général. Nous préparons déjà ces cas d’usage avec les gouvernements, les régulateurs télécoms, les opérateurs télécoms, les start-up, etc. 

Nous essayons de montrer la voie, les opportunités, ce qui est faisable dans le pays et aussi partager l’expérience, les meilleures pratiques d’autres pays ou régions.

Au regard de l’impact du numérique sur le secteur social, est-ce que l’Afrique est prête pour des scénarios d’usage de la 5G qui ne sont pas essentiellement B2B ?

Sur la 5G, il y a une multitude de scénarios qui ne sont pas forcément tous réussis d’un pays à un autre.  Ça peut marcher dans d’autres mais pas dans les autres. Dans tous les cas, nous voyons des scénarios évidents dans plusieurs pays d’Afrique. En Afrique du Sud par exemple, dans les mines, la 5G a été adoptée pour améliorer la sécurité des travailleurs. Il n’est plus nécessaire que les conducteurs d’engins type excavateurs, camions et autres soient présents sur le site. Ils sont installés dans des salles et pilotent ces véhicules à distance grâce à la 5G. C’est un scénario réel qui peut être reproduit ailleurs. D’autres scénarios qui ont bien marché dans d’autres pays et dont on voit l’efficacité, c’est la numérisation des ports. Il y a plusieurs ports à travers le monde qui ont adopté la 5G. Elle a contribué à l’amélioration du travail et cela a eu un impact sur l’économie. Pour plusieurs ports africains, augmenter leur efficacité avec la 5G aura un impact bénéfique immédiat sur l’économie de leur pays.

Au niveau des consommateurs particuliers, est-ce que l’introduction de la 5G est pertinente actuellement en Afrique ?

Oui, c’est pertinent. Il y a des scénarios qui demandent une bande passante plus importante. Pendant la Covid-19 nous avons expérimenté l’éducation à distance. Aujourd’hui elle a évolué et l’éducation à distance nous permet désormais d’être plus présent dans les établissements d’apprentissage. La 5G peut également être très intéressante dans les scénarios de divertissement. Par exemple à Barcelone, nous avons montré que l’expérience client lors de la visualisation d’une rencontre sportive peut complètement changer parce que vous ne serez plus seulement limité à l’angle de vue de la caméra que le réalisateur va choisir mais vous pourrez bouger par vous-même l’image pour choisir l’angle de vue qui vous satisfait. Vous pourrez vous focaliser sur un individu en particulier, une partie précise du terrain grâce à des caméras ultra haute définition qui diffuseront l'événement à 360 degrés.  

Même dans le gaming, une industrie qui gagne en valeur, la 5G aura un impact sur l’expérience client. Il y aura une possibilité d’immersion même dans le jeu. L’industrie commerciale en profitera aussi avec les centres commerciaux virtuels qu'on peut visiter depuis chez soi. Il y a une multitude de scénarios. Après chaque pays développera les scénarios qui correspondent à ses besoins, qui cadrent avec la culture locale et les prérequis locaux.

Le mobile joue un grand rôle dans l’accès à la connectivité en Afrique. Qu’est-ce qui explique qu’un smartphone 5G coûte plusieurs fois plus cher qu’un 4G ?

Le premier point c’est que les composants d’un téléphone 5G sont plus complexes en matière de performances que ceux d’un téléphone 4G.  Il y a beaucoup plus de complexité mais pas que ça. Vous verrez également que les mêmes composants 5G vont perdre en valeur au cours des années. On ne va pas comparer les composants 4G et 5G mais uniquement les 5G entre eux au cours du temps et on constatera qu’il y aura un effet d’amortissement sur cette technologie. Ceux qui font de la recherche et développement investissent énormément d’argent pour arriver à des standards et à des brevets. Et ces coûts doivent être amortis et du coup il faudra un certain volume de composants produits pour que ces coûts-là soient amortis. C’est pour cela qu’avec l’augmentation du nombre d’abonnés 5G à travers le monde 1 milliard le coût du téléphone 5G est en train de baisser. Aujourd’hui on pourra parler de téléphone 5G de moins de 200 dollars, ce qui n’était pas le cas l’année dernière. L’effet d’amortissement déployé à grande échelle permet véritablement d’amortir les coûts de recherche investis les années précédentes. Ceci est valable pour toutes les organisations qui ont contribué à élaborer ces composants. Il faut retenir que les fabricants de composants ne sont pas les fabricants de téléphones.

En gardant à l’esprit que la connectivité et le cloud charrient une vaste quantité de données personnelles, commerciales, financières, etc., que fait Huawei pour garantir que les infrastructures qu’elle déploie ne sont pas à risque ?

La cybersécurité c’est la base de notre travail. Tous les services que nous offrons en matière de numérisation, de connectivité, etc. n’ont plus de sens si nous n’arrivons pas à les protéger. La confiance entre un utilisateur et le système qu’il utilise, si elle est rompue, il n'y a pas de développement. Huawei accorde un intérêt important à cette question et cela date de plus de vingt ans. Huawei a mis en place des mécanismes de gestion de la cybersécurité depuis de longues années. Les gens en parlent déjà un tout petit peu parce qu’il y a eu une augmentation de l’usage d’Internet mais nous sommes présents sur ce segment bien avant. Nous avons fourni des équipements dans plus de 176 pays et il y a plus de trois milliards de personnes qui transitent sur nos réseaux. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir la moindre défaillance ou encore un souci de qualité de nos produits. Concrètement, nous opérons à travers divers aspects.

D’abord nos produits sont conçus « security by design ». Ça veut dire que la question de la protection de l'utilisateur du produit ou du service est intégrée dès sa conception. Actuellement chez Huawei nous sommes conformes à tous les standards internationaux en matière de cybersécurité. Nous avons des procédures extrêmement rigoureuses lors du déploiement et de la maintenance de réseaux, couplés à des examens mensuels. Ces processus nous permettent d’éviter tous types d'erreurs humaines. Nous avons également déployé plusieurs centres de transparence à travers le monde –- sept —, dans lesquels tous nos produits et solutions sont ouverts à tous nos partenaires qui peuvent tester leur intégrité, leur robustesse. 

Propos recueillis par Muriel Edjo

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