Le visa électronique transforme progressivement la mobilité en Afrique, simplifiant l’accès aux pays pour les voyageurs tout en modernisant la gestion des frontières. Cette transition numérique promet de stimuler le tourisme, le commerce, tout en posant de nouveaux défis en cybersécurité et inclusion numérique.
L’Afrique avance à petits pas vers la facilitation de la mobilité sur son territoire. Longtemps perçues comme un frein aux échanges, les lourdeurs administratives liées à l’obtention de visas cèdent progressivement la place à des solutions numériques. L’e-visa, désormais adopté par un nombre croissant de pays, s’impose comme un outil de modernisation et de compétitivité pour les économies africaines.
Concrètement, l’e-visa permet aux voyageurs de soumettre leur demande en ligne et de recevoir l’autorisation de séjour sans passer par une ambassade ni déposer leur passeport. Pour les États, il offre une gestion centralisée des flux, un meilleur contrôle des données et une réduction des risques de fraude. Pour les usagers, il représente un gain de temps et une simplification qui encouragent la mobilité, qu’elle soit touristique, professionnelle ou commerciale.
Au cours de la dernière décennie, près de 30 pays africains ont adopté l’e-visa, parmi lesquels le Cameroun, le Rwanda, le Kenya, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, la Tanzanie ou encore le Nigéria. Certains, tels que le Bénin ou la Gambie, vont plus loin avec une politique d’accès simplifié, voire sans visa pour les citoyens africains, favorisant ainsi les échanges régionaux.
Un marché prometteur, mais hétérogène
Le marché mondial de l’e-visa est en plein essor. Selon la société d'études de marchés Spherical Insights, la valeur du visa électronique devrait atteindre 2 633,5 millions de dollars d’ici 2033, avec une croissance annuelle moyenne de 10,9 %. Ces chiffres traduisent l’importance croissante des systèmes numériques de délivrance de visas dans un monde de plus en plus connecté.
En Afrique, les données restent limitées, mais les résultats observés sont encourageants. Le Cameroun, par exemple, a enregistré 29 milliards FCFA (51,7 millions de dollars) de recettes grâce à son système d’e-visa entre avril 2023 et octobre 2024. Un succès qui attire l’attention de nombreux pays voisins, désireux de bénéficier à leur tour des effets multiplicateurs d’un tel dispositif sur le tourisme et les revenus consulaires.
Menaces numériques et défis réglementaires
L’e-visa centralise une quantité importante de données personnelles sensibles, ce qui en fait une cible privilégiée pour les cyberattaques. Des incidents, tels que l’attaque ayant conduit à la suspension temporaire du système d’e-visa au Kenya en 2023, illustrent les risques potentiels. La mise en place de mesures de cybersécurité robustes est essentielle pour préserver la confiance des utilisateurs et assurer la fiabilité du système.
À cela s’ajoutent des obstacles opérationnels et d’accès. Dans plusieurs régions, l’absence ou la faible qualité d’Internet limite l’usage de l’e-visa, tandis que des difficultés de paiement en ligne, des erreurs de traitement ou des pannes temporaires peuvent retarder l’obtention du visa et compliquer la mobilité des voyageurs, affectant à la fois les administrations et les utilisateurs.
Vers une harmonisation continentale ?
Si l’e-visa marque une avancée indéniable, son efficacité dépendra aussi de la capacité des pays africains à harmoniser leurs systèmes. Contrairement à l’Union européenne et son espace Schengen, l’Afrique fonctionne encore par initiatives nationales dispersées, souvent incompatibles entre elles. Une approche régionale ou continentale, portée par l’Union africaine ou dans le cadre de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), permettrait non seulement de fluidifier davantage les échanges, mais aussi de mutualiser les investissements technologiques et de renforcer la cybersécurité.
L’enjeu dépasse ainsi la simple logique de recettes consulaires. L’e-visa pourrait devenir un véritable outil diplomatique et stratégique au service de la libre circulation, du commerce intra-africain et du développement touristique. Bien intégré dans les politiques nationales et régionales, il pourrait constituer l’un des piliers d’une Afrique plus connectée et mieux intégrée dans l’économie mondiale.
Samira Njoya
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