La transformation numérique suit son cours en Tunisie. Les opérateurs télécoms soutiennent cette révolution technologique avec des investissements stratégiques dans divers projets porteurs.
Orange Tunisie a inauguré, la semaine dernière, un nouveau data center de dernière génération à Kalâa Kebira, dans le gouvernorat de Sousse, rapportent plusieurs médias locaux. L’infrastructure, certifiée TIER III, s’inscrit dans la stratégie de l’opérateur visant à accompagner la transition numérique du pays en renforçant les capacités d’hébergement de données locales.
Ce centre de données, d’une superficie de 1000 m², a été conçu pour répondre aux standards internationaux en matière de sécurité, de redondance énergétique et de continuité de service. Il accueillera des services d’hébergement cloud, de sauvegarde, de reprise d’activité et de connectivité. L’infrastructure servira à la fois les besoins internes d’Orange Tunisie et ceux des entreprises souhaitant externaliser la gestion de leurs systèmes d’information dans un environnement sécurisé.
« Ce data center dont nous sommes fiers, l'est pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il a été conçu et bâti entièrement à partir de zéro. Il ne s'agit pas d'une rénovation ou d'une adaptation d'un site existant, mais d'un projet entièrement nouveau, pensé dès le départ pour répondre aux standards les plus exigeants », a indiqué Thierry Millet, directeur général d'Orange Tunisie. La société a 26,5% de parts de marché sur le segment de la téléphonie mobile du pays, selon les données de l’Instance nationale des télécommunications datant de janvier 2025.
Ce déploiement intervient dans un contexte d’accélération de la transformation numérique dans le pays. Orange Tunisie soutient cette dynamique et contribue à l’amélioration de la souveraineté numérique. « Notre fierté, c'est d'avoir exécuté ce beau Data Center TIER III avec des compétences 100% tunisiennes, avec des entreprises tunisiennes pour les bureaux d'études, le contrôle et la réalisation », a déclaré Adel Akrout, son directeur réseaux et services.
A l’heure où la demande en services numériques explose, cette initiative pourrait positionner la Tunisie comme un hub régional de données. Elle ouvre également la voie à de futures initiatives de cloud souverain. Il faut aussi souligner qu’elle renforce le rôle des opérateurs dans l’aménagement numérique du territoire.
Adoni Conrad Quenum
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Dans un pays où le chômage reste élevé et les opportunités d’emploi limitées, les plateformes VTC ont rapidement trouvé leur place. Cependant, leur essor rapide s’est confronté à un cadre réglementaire flou, générant tensions, incertitudes et perturbations économiques.
L’application estonienne Bolt a mis fin à ses services en Tunisie le vendredi 9 mai. Une désactivation totale de l’application, visible sur tous les appareils testés localement, confirme le retrait de la plateforme de VTC. Depuis cette date, l’application n’est plus accessible, et les utilisateurs tunisiens sont désormais accueillis par le message : « Bolt n’est pas encore disponible ici ».
Cette désactivation survient près de six semaines après la décision gouvernementale de suspendre plusieurs plateformes de transport, dont Bolt, en raison de soupçons de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et d’exercice illégal. Malgré cette suspension annoncée le 24 mars, l’application était restée partiellement active, ce qui avait entretenu un flou juridique sur sa situation. Cet arrêt marque donc la fin effective de l’activité de Bolt dans le pays, même si la société n’a toujours pas communiqué publiquement sur les raisons précises de ce retrait.
Pour rappel, les autorités tunisiennes avaient enclenché une série de mesures fermes contre les plateformes opérant sans autorisation légale. Dans le cas de Bolt, la société a été radiée du registre national des entreprises, ses bureaux ont été fermés, et des avoirs estimés à 12 millions de dinars tunisiens (environ 3,9 millions de dollars) ont été saisis. De son côté, la plateforme avait rejeté les accusations, affirmant être en conformité avec la législation tunisienne, tout en dénonçant une procédure menée sans possibilité de se défendre devant la justice.
Présente en Tunisie depuis 2019, Bolt s’était rapidement imposée comme un acteur clé du transport urbain, notamment à Tunis, Sfax et Sousse. L’application offrait une source de revenu à plus de 5 000 chauffeurs, souvent indépendants, dans un contexte socio-économique déjà tendu. Sa suspension accroît l’incertitude pour ces travailleurs, alors que le taux de chômage atteignait déjà 16 % au troisième trimestre 2024, selon l’Institut national de la statistique.
Le départ de Bolt relance le débat sur l’encadrement juridique des plateformes numériques en Tunisie. En l’absence de cadre clair, les entreprises évoluent dans une zone grise, vulnérable aux décisions administratives et aux revirements réglementaires. Pour tirer pleinement parti de l’économie numérique et attirer les investissements étrangers, la Tunisie devra trouver un équilibre entre souveraineté réglementaire et attractivité économique.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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En Sierra Leone, l’accès au financement reste un obstacle majeur pour de nombreux petits commerçants et travailleurs informels. En lançant un nouveau service de microcrédit mobile, Orange entend jouer un rôle accru dans l’inclusion financière du pays.
Orange Mobile Finance Sierra Leone (OMFSL) a lancé le jeudi 8 mai « Kwik Moni Loan », un service de microcrédit numérique destiné aux agents et commerçants utilisant Orange Money. Ce nouveau produit financier permet aux utilisateurs d’accéder instantanément à des prêts via leur portefeuille mobile Orange Money, en composant simplement le #145# pour les agents et le #146# pour les commerçants.
David Mansaray, PDG d’OMFSL, a déclaré que ce service, disponible 24h/24 et 7j/7, offre un accès rapide et pratique au fonds de roulement pour divers professionnels, notamment les commerçantes, les chauffeurs de taxi et les propriétaires de magasins. Cette initiative vise à faciliter le développement des activités sans les contraintes des procédures de prêt traditionnelles.
Le lancement de « Kwik Moni Loan » s’inscrit dans une stratégie plus large d’Orange visant à renforcer l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest. En 2020, Orange avait déjà introduit « Orange Money Lajor » en Sierra Leone, un service de microcrédit destiné aux clients d’Orange Money, en partenariat avec Empire Solution. Par ailleurs, Orange Bank Africa, la banque digitale du groupe, a été lancée en Côte d’Ivoire en 2020 pour offrir des services d’épargne et de crédit accessibles via mobile, avec pour objectif de s’étendre à d’autres pays de la région.
Avec cette nouvelle initiative, Orange Mobile Finance Sierra Leone espère renforcer l’inclusion financière en facilitant l’accès rapide au crédit pour les petits commerçants et agents locaux. En leur offrant des solutions adaptées à leurs besoins réels, ce service vise à soutenir l’entrepreneuriat, améliorer la résilience économique des populations non bancarisées et stimuler l’activité commerciale à l’échelle nationale.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Depuis 2024, le Sénégal impose une TVA sur les services numériques pour élargir son assiette fiscale. Alors que la plupart des plateformes n’avaient pas encore déclaré leur conformité, Google devient le premier géant du web à franchir cette étape.
À compter du 1er juin 2025, Google appliquera une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 18 % à l’ensemble de ses services numériques destinés aux utilisateurs situés au Sénégal. Une annonce qui marque un tournant décisif dans la mise en œuvre de la fiscalité numérique instaurée par le gouvernement sénégalais.
Concrètement, l’entreprise américaine exigera désormais de ses clients professionnels qu’ils fournissent leurs informations fiscales locales, notamment le numéro d’identification national des entreprises et associations (NINEA) ou le numéro du registre de commerce, afin de générer des factures conformes au Code général des impôts. Cette mesure concerne l’ensemble des services numériques proposés par Google, comme Google Ads, Google Cloud, les abonnements logiciels ou encore les plateformes de streaming.
Cette évolution fait suite à l’entrée en vigueur, en juillet 2024, d’un nouveau régime fiscal imposant la TVA sur les prestations de services numériques fournies par des entreprises étrangères non établies sur le territoire national. Jusqu’ici, peu de multinationales du numérique avaient officialisé leur conformité. En se pliant à cette exigence, Google devient ainsi l’un des premiers géants du secteur à franchir le pas, envoyant un signal fort aux autres acteurs encore en retrait.
Selon la direction générale des impôts et des domaines (DGID), cette TVA numérique a déjà permis de collecter plus de 1 milliard FCFA (environ 1,7 million de dollars) au cours de sa première année d’application. À moyen terme, l’État ambitionne de porter ces recettes à 10 milliards FCFA, dans le cadre de sa stratégie de modernisation fiscale et d’élargissement de l’assiette du numérique.
La conformité de Google, en tant que leader mondial des services numériques, représente donc une étape cruciale pour le succès de cette réforme. Elle devrait non seulement contribuer à accroître les recettes fiscales, mais aussi renforcer l’équité entre entreprises locales et multinationales opérant en ligne.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Le secteur halieutique au Maroc joue un rôle clé dans l’économie nationale. Il est donc urgent de moderniser cette filière stratégique par le numérique, qui représente un levier essentiel pour améliorer l’efficacité des circuits de distribution.
Le Maroc a investi 34 millions de dirhams (environ 3,6 millions de dollars) pour numériser les ventes aux enchères dans 45 marchés de gros, dans le cadre de sa stratégie de modernisation du secteur halieutique. Cette initiative, portée par le secrétariat d’État chargé de la Pêche maritime, vise à renforcer la transparence des transactions, à améliorer la traçabilité des produits et à optimiser leur distribution sur le marché national.
L’annonce a été faite le mardi 6 mai devant la Chambre des conseillers par la secrétaire d’État Zakia Driouich, qui a précisé que la numérisation concerne l’ensemble des documents utilisés dans ces structures. Elle permettra notamment un meilleur suivi des flux de produits de la mer et contribuera à la lutte contre les pratiques informelles, encore répandues dans certains circuits de commercialisation.
Cet investissement s’inscrit dans la continuité de la stratégie Halieutis, lancée en 2009, qui vise à faire du Maroc une plateforme halieutique compétitive et durable. En plus de sa contribution à la sécurité alimentaire, la filière génère environ 2,3 % du PIB national, avec 220 000 emplois directs et plus de 500 000 emplois indirects. En 2024, la production nationale a atteint 1,42 million de tonnes, pour une valeur estimée à 16,3 milliards de dirhams, consolidant la position du royaume parmi les principaux exportateurs mondiaux de produits de la mer transformés et congelés.
Au-delà de la simple dématérialisation des procédures, cette numérisation ouvre la voie à une transformation plus large du secteur. En automatisant les processus de vente, le gouvernement espère non seulement améliorer l'efficacité opérationnelle des marchés de gros, mais aussi poser les bases d'une interconnexion des différents maillons de la chaîne de valeur, de la capture à la distribution finale. À terme, cette approche pourrait faciliter l’intégration de nouvelles technologies, telles que les systèmes de traçabilité en temps réel, les plateformes de gestion logistique ou encore les outils de veille sur les prix et les volumes commercialisés.
À ce jour, seuls 45 marchés de gros sur les 70 existants ont été couverts par cette opération. Le chantier reste donc ouvert, laissant entrevoir de nouvelles phases d’investissement pour généraliser la numérisation à l’ensemble du territoire, notamment dans les points de débarquement et les villages de pêcheurs.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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En novembre 2024, le Gabon a lancé son ambitieux programme « Gabon Digital », avec l’objectif de positionner le pays comme un hub numérique en Afrique centrale. La poursuite de cette vision change de mains, mais reste entre celles d’un expert.
Deux jours après son investiture en tant que quatrième président de la République gabonaise, Brice Clotaire Oligui Nguéma a dévoilé, le mardi 5 mai, la composition du premier gouvernement de son mandat de sept ans. Parmi les principales nominations figure celle de Mark Alexandre Doumba (photo), au poste de ministre de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation. Il succède au général de Brigade Bonjean Rodrigue Mbanza, qui occupait ce portefeuille dans le précédent gouvernement de transition.
Avant cette nomination, Mark Alexandre Doumba avait brièvement occupé le poste de ministre de l’Économie et des Participations. Son repositionnement à la tête d’un ministère aussi stratégique témoigne de la volonté des autorités de renforcer la modernisation du pays à travers l’innovation et les technologies.
Âgé de 38 ans, Mark Alexandre Doumba est reconnu comme un entrepreneur aguerri et un stratège de la finance digitale. Fondateur du groupe ClikAfrik et de la néobanque ClikPay, il a fait de l’inclusion financière par le numérique l’un de ses principaux combats. Il a notamment contribué à la création du Guichet numérique de l’investissement, une plateforme ayant facilité la formalisation de plusieurs dizaines de milliers de TPE et PME gabonaises. Il est diplômé de la George Washington University, de la London School of Economics et de la Harvard Kennedy School.
Le nouveau ministre hérite d’un portefeuille dense, avec plusieurs chantiers prioritaires, notamment la relance du backbone national en fibre optique, la construction des centres de données souverains et la modernisation des services publics par le numérique. Ces projets figurent parmi les priorités de la feuille de route du président de la transition.
Mark Alexandre Doumba devra également impulser un nouveau souffle au Centre gabonais de l’innovation et concrétiser le projet de technopôle numérique et industriel, destiné à faire de Libreville un véritable hub régional de l’innovation. Grâce à son approche pragmatique et son expertise en transformation numérique et en partenariats stratégiques, il pourrait jouer un rôle clé dans l’essor du Gabon comme acteur majeur de l’innovation en Afrique centrale.
Samira Njoya
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Le gouvernement capverdien ambitionne de faire du pays une économie numérisée d’ici 2030. Pour y parvenir, il mise sur des investissements dans des infrastructures technologiques afin de former les talents locaux et renforcer la main-d’œuvre nationale.
Le Cap-Vert a officiellement inauguré, le lundi 5 mai, le TechPark CV, un centre technologique régional conçu pour stimuler l’innovation et la transformation numérique dans l’archipel et au-delà. Financé à hauteur de 45,59 millions d’euros (soit 51,7 millions de dollars) par la Banque africaine de développement (BAD), ce projet marque une étape stratégique pour le pays, qui ambitionne de devenir un hub technologique en Afrique de l’Ouest.
« Le TechPark CV est un environnement accueillant où des innovateurs d'origines et de cultures différentes peuvent collaborer et prospérer ensemble. Grâce à ce projet, nous ne construisons pas seulement un centre numérique ; nous favorisons une communauté où la technologie stimule la croissance économique et le développement durable pour le Cap-Vert et nos partenaires internationaux », a déclaré Carlos Monteiro, président de TechPark CV.
Le parc s’inscrit dans la stratégie nationale de diversification économique et dans le cadre de la stratégie de développement de l’économie numérique du Cap-Vert à l’horizon 2030. L’investissement représente près de 2 % du PIB national, témoignant de l’importance accordée au numérique dans le modèle de croissance du pays.
Des infrastructures aux normes internationales
Le parc technologique est équipé de centres de données, d’espaces de coworking, d’un centre de formation, d’un centre d’affaires et d’un centre de conférence, le tout connecté par une infrastructure haut débit. Son statut de Zone économique spéciale pour les technologies (ZEET) offre des incitations fiscales attractives : exonération de TVA, allègement des droits d’importation et un taux d’impôt sur les sociétés réduit à 2,5 %.
Déployé sur deux campus à Praia (île de Santiago) et à Mindelo (île de São Vicente), TechPark CV héberge déjà 23 entreprises et pourra accueillir jusqu’à 1500 professionnels. Il aspire à devenir un pôle d’innovation, de formation et d’expérimentation, tout en attirant des investissements étrangers.
Des ambitions régionales et inclusives
En plus d’attirer des entreprises locales et internationales, TechPark CV se positionne comme un moteur du développement de secteurs technologiques clés tels que l’intelligence artificielle, la blockchain, la fintech, le big data et l’Internet des objets (IoT). Le Cap-Vert entend également renforcer sa coopération régionale à travers un partenariat avec la CEDEAO, afin de contribuer à l’essor de l’innovation numérique en Afrique de l’Ouest.
Le projet place l’intégration des talents locaux au cœur de sa stratégie. Il favorise les partenariats avec les institutions universitaires et entend créer des opportunités d’emploi pour la jeunesse capverdienne, contribuant ainsi au développement du capital humain et au renforcement de l’économie nationale.
Samira Njoya
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Le gouvernement capverdien prévoit de numériser 60 % des services publics essentiels d'ici 2026.
Grâce au succès de son système de paiement unifié, l'Inde a enregistré une forte croissance des paiements numériques. Aujourd’hui, l'Inde s'affirme comme un acteur majeur dans l’accompagnement des nations souhaitant déployer des solutions de paiement numérique efficaces.
L’Inde s’engage à mettre son expertise en infrastructure publique numérique au service de l’Angola. L’information a été rendue publique le vendredi 3 mai, à l’issue d’une rencontre à New Delhi entre le président angolais, João Lourenço (photo, à gauche), en visite officielle, et le Premier ministre indien, Narendra Modi (photo, à droite). L’initiative vise à améliorer la gouvernance électronique et à faciliter l'accès aux services publics pour les citoyens angolais.
Selon un communiqué conjoint, l’Inde a « approuvé une ligne de crédit de 200 millions de dollars pour la défense de l'Angola et collaborera dans les domaines de l'infrastructure publique numérique, de l'espace et des soins de santé ». Ce partenariat vise à introduire en Angola le modèle indien d’infrastructure publique numérique (DPI), un système interopérable permettant de numériser les services administratifs, de favoriser l’inclusion financière et de connecter les citoyens à des services essentiels.
Cette collaboration pourrait permettre à l’Angola de déployer des identités numériques, des plateformes de paiements électroniques ou encore des registres sociaux unifiés. Elle prévoit également une coopération dans le domaine spatial ainsi que des formations aux compétences numériques.
L’annonce s’inscrit dans un contexte de rapprochement stratégique entre les deux pays, qui célèbrent cette année 40 ans de relations diplomatiques. Elle illustre aussi l’ambition de l’Inde de renforcer sa présence technologique sur le continent africain. L'Inde a déjà mis en œuvre des systèmes similaires en Afrique, notamment via sa plateforme d'identité numérique MOSIP (Modular Open Source Identity Platform). Des pays tels que le Maroc, la Sierra Leone, la Guinée et l'Éthiopie ont adopté ou sont en phase de déploiement de cette solution. Par ailleurs, l'Inde collabore avec plusieurs pays africains pour développer des systèmes de paiement numérique inspirés de son interface UPI (Unified Payments Interface), avec des discussions avancées notamment avec le Rwanda.
À terme, ce partenariat pourrait accélérer la modernisation des services gouvernementaux angolais, améliorer l’efficacité administrative et stimuler l’innovation locale. Un appui stratégique pour l’Angola, qui cherche à renforcer sa position dans les classements internationaux de gouvernance numérique. Selon les Nations unies, le pays se classe actuellement 156e sur 193 à l’indice de développement de l’e-gouvernement 2024, avec un score de 0,4149, en dessous de la moyenne africaine (0,4247) et mondiale (0,6382).
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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L'Inde exporte son expertise en paiements numériques vers l'Afrique
Les problèmes de santé de ses populations font perdre à l'Afrique 2400 milliards $ chaque année selon la Banque africaine de développement (BAD). Pourtant, le secteur de la healthtech, qui vise à améliorer l'accès aux soins via des solutions numériques, connaît un ralentissement du financement. En 2024, les start-up africaines opérant dans les technologies de la santé ont levé 65 millions $, soit une chute de 69% par rapport à 2023. Ce recul remet-il en cause le rôle stratégique que la healthtech pourrait jouer sur le continent ?
La baisse des financements est liée au ralentissement général du capital-risque et à la prudence des investisseurs face aux incertitudes économiques. Après le boom des investissements en 2021, le marché mondial du capital-risque a subi une correction en 2022-2023, y compris en Afrique.
« Deux ans après le début de la crise mondiale, il est clair que l'écosystème technologique africain en subit de plein fouet les conséquences, même s'il s'en sort beaucoup mieux que les régions d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est » a indiqué Cyril Collon, partenaire général du fonds transatlantique Partech, en 2024.
Il a ajouté que « malgré cette correction, au cours des 10 dernières années l'écosystème technologique africain a été multiplié par 10 en termes de transactions et de financement, avec environ 20 milliards de dollars investis dans près de 3000 transactions, dont 68% au cours des trois dernières années ».
Selon Partech Africa, les start-up africaines ont levé un total de 5,2 milliards USD en fonds propres en 2021 contre 2,2 milliards USD en 2024. La fintech, segment attirant le plus d’investissement sur le continent, a aussi été négativement impactée par cette sécheresse des capitaux. En 2021, les fintechs africaines levaient 3,2 milliards USD, soit 63% des fonds captés, contre 1,35 milliard USD en 2024.
Un écosystème encore dynamique
La healthtech a attiré plus du milliard de dollars en Afrique ces cinq dernières années, informe Agence Ecofin. De 18 millions USD en 2018, les chiffres ont décuplé l’année suivante pour atteindre 189 millions USD, et un pic de 230 millions USD en 2021. Ces flux ont permis aux innovateurs de multiplier les solutions d’e-santé sur le continent, allant des plateformes de télémédecine à la livraison de médicaments ou de sang par drones dans les zones inaccessibles par route.
Au Kenya, Ilara Health fournit des outils de diagnostic abordables aux prestataires de soins sanitaires dans les zones rurales. Elle s'associe à des services d'intelligence artificielle qu’elle intègre aux plateformes technologiques distribuées aux médecins, améliorant ainsi l’organisation de la prise en charge en milieu rural. Pour mettre en place ses activités, elle s’est tournée vers des investisseurs qui y ont déjà injecté environ 10,8 millions USD depuis son lancement en 2019.
La healthtech camerounaise Waspito met en relation patients et médecins pour des consultations vidéo instantanées via son application mobile accessible sur iOS et sur Android. Depuis son lancement en 2020, elle a capté environ 8,7 millions USD selon Crunchbase, afin de développer sa technologie et s’étendre à d’autres pays africains tels que le Gabon, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal.
Ces jeunes pousses essayent de combler le déficit en professionnels et infrastructures de santé sur le continent. En 2021, l'Afrique subsaharienne comptait en moyenne 2,3 médecins et 12,6 infirmières/sage-femmes pour 10 000 habitants, contre 39,4 et 89,5 en Europe par exemple. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il manquera 6,1 millions de professionnels de la santé en Afrique d’ici 2030, une hausse de 45% par rapport à 2013, année où les dernières estimations ont été réalisées.
« L’importante pénurie de professionnels de la santé en Afrique a des implications désastreuses. Sans un personnel adéquat et bien formé, répondre aux défis tels que la mortalité maternelle et infantile, les maladies infectieuses et les maladies non transmissibles, mais aussi la fourniture de services de santé essentiels comme la vaccination reste une bataille difficile » a déclaré en 2022 Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique.
Le déploiement à grande échelle de la healthtech : une équation à résoudre
L’accès aux alternatives proposées par les healthtechs se heurte à la faiblesse de l’accès à Internet sur le continent. D’après les données de l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA), l’Afrique subsaharienne comptait en 2023 320 millions d’utilisateurs de l’Internet mobile pour un taux de pénétration de 27%. Ce chiffre devrait croitre de 6,2% chaque année pour atteindre 520 millions en 2030, soit un taux de pénétration de 37%.
Ceci peut s’expliquer par le coût d’accès aux smartphones, le coût de l’Internet et les défis insfrastructurels. Pour la GSMA, « il est urgent de réformer la fiscalité pour améliorer l'accessibilité financière des smartphones et des services mobiles, dont le coût est un obstacle majeur à l'adoption du haut débit mobile ».
L’Afrique a aussi affiché en 2024 un score de 0,4534 sur 1 à l’indice des infrastructures de télécommunications (TII), selon les Nations unies. Elle a progressé de 27,8% par rapport à 2022 où il était de 0,3548 sur 1. La moyenne mondiale s’est de son côté, établie à 0,6896 sur 1.
Si les différents obstacles sont surmontés, la healthtech pourrait bien devenir un pilier stratégique pour l’amélioration durable du secteur de la santé en Afrique. En mobilisant le numérique pour rapprocher les soins des populations, les start-up opérant sur ce segment réinventent les processus. Reste à savoir si l’écosystème saura attirer à nouveau les financements nécessaires pour franchir le cap de l’expérimentation et réussir l’intégration systémique.
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Chaque week-end, la rédaction de We Are Tech Africa vous rappelle les principales informations de la semaine dans le domaine du numérique en Afrique, ainsi que leurs implications.
Cybersécurité : la Côte d’Ivoire adopte un nouveau cadre légal
La Côte d’Ivoire a adopté une réforme majeure de son cadre légal en cybersécurité. Le jeudi 24 avril, l’Assemblée nationale a ratifié l’ordonnance n°2024-950, transférant les compétences de L'Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d'Ivoire (ARTCI) à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Désormais, l’ANSSI centralise la protection des réseaux, les audits, la certification et la réponse aux incidents, renforçant ainsi la sécurité numérique nationale.
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Congo : deux agences publiques s’associent pour renforcer la cybersécurité
L’Agence de régulation des postes et des communications électroniques du Congo (ARPCE) et l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) du Congo ont signé un accord pour renforcer la cybersécurité nationale. Ce partenariat prévoit le partage d'informations sur les menaces, la coordination des réponses aux incidents et la création d'un comité conjoint. Le gouvernement a alloué 1,3 million de dollars à l'ANSSI pour 2025, visant un Congo numérique, résilient et souverain.
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Le Sénégal se dote d’un cadre politique pour encadrer la santé numérique
Le Sénégal a validé un cadre politique pour structurer la santé numérique. Cette initiative vise à coordonner les projets existants, renforcer la gouvernance et protéger les données médicales. Un projet de loi est en préparation pour encadrer l’usage des technologies dans le système de santé. Le Dossier patient informatisé sera étendu à six régions supplémentaires dès cette année.
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Tanzanie : plus de 71 millions de dollars générés par les entreprises en ligne en 9 mois
Entre juillet 2024 et mars 2025, la Tanzanie a collecté environ 71,5 millions de dollars de recettes fiscales auprès de 1 820 entreprises en ligne, principalement dans les paris numériques. Le gouvernement finalise une stratégie nationale de commerce électronique visant à adapter le cadre réglementaire, renforcer les infrastructures numériques et sécuriser les transactions en ligne.
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Le Kenya adopte une stratégie pour faire de l’IA un moteur de croissance d’ici 2030
Le Kenya a publié sa première stratégie nationale d’intelligence artificielle (IA) pour 2025-2030, visant une adoption éthique et inclusive. Elle cible des secteurs clés tels que la santé, l’agriculture, les services financiers et l’administration publique, tout en renforçant la souveraineté des données et les infrastructures numériques. Cette initiative positionne le pays comme un acteur majeur de l’IA en Afrique.
Le Kenya adopte une stratégie pour faire de l’IA un moteur de croissance d’ici 2030
La douane malgache est la première institution publique à intégrer l’IA dans ses opérations. Le département s’est doté d’une stratégie à l’horizon 2029 pour améliorer l’efficacité opérationnelle et garantir une transparence accrue.
L’administration douanière malgache reçoit actuellement une assistance technique du Fonds monétaire international (FMI) pour accélérer sa transition numérique. Deux experts, Victor Budeau et François Chastel, sont en mission à Antananarivo depuis le jeudi 24 avril. Leur intervention, qui s’achèvera le mercredi 7 mai, inclut des formations intensives sur l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus douaniers.
L’objectif est de renforcer l’efficience, la précision et la transparence des opérations. Lors d’une réunion de travail, le directeur général des douanes, Ernest Zafivanona Lainkana (photo, au centre), a souligné l’importance de centraliser les données dans une base unifiée pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA. Il a également affirmé que cette technologie devait désormais faire partie intégrante des outils de la douane.
Loin d’être un simple test, cette initiative s’inscrit dans une démarche déjà amorcée. L’administration utilise déjà plusieurs solutions reposant sur l’IA : l’analyse automatique d’images (RESNET), le Smart Scanning et le système d’évaluation renforcée des risques (Enhanced Risk Assessment – ERA). Grâce à ces outils, les recettes douanières ont augmenté de 68 % en janvier 2025 par rapport à janvier 2024.
À la lumière de ces résultats, le FMI a désigné Madagascar comme projet pilote en Afrique pour l’intégration de l’IA dans les services douaniers. Une reconnaissance stratégique qui pourrait ouvrir la voie à une feuille de route continentale. D’ici 2029, la douane malgache ambitionne d’étendre ces technologies à d’autres secteurs de contrôle, de renforcer son infrastructure numérique et de partager son expertise à l’échelle régionale.
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C’est en mai 2024 que le Kenya a lancé l’élaboration de sa stratégie nationale d’IA. Fruit de consultations multisectorielles et d’un appui international, ce document figure désormais parmi les stratégies nationales d’IA élaborées en Afrique, aux côtés de celles du Nigeria, du Rwanda et de l’Algérie.
Le Kenya a publié sa première stratégie nationale d’intelligence artificielle pour la période 2025-2030. Le document trace les contours d’une vision claire pour une adoption de l’IA éthique, inclusive et tournée vers l’innovation. Il s’inscrit dans le programme plus large de transformation numérique du pays et adresse des signaux forts aux entreprises technologiques internationales, attentives à l’évolution des cadres réglementaires sur les marchés émergents.
Cette stratégie, bien que conçue à l’échelle nationale, reflète une dynamique plus large : l’adaptation des normes internationales de gouvernance de l’IA aux contextes émergents. Elle articule les ambitions de Nairobi autour de plusieurs axes, dont les infrastructures, la souveraineté des données, les cas d’usage sectoriels et l’innovation responsable. Elle esquisse également les grandes lignes d’une future législation.
La gouvernance des données est l’un des axes majeurs du texte. Le Kenya affiche son intention de bâtir un écosystème d’IA fondé sur des référentiels locaux, dans le respect de la confidentialité, de la cybersécurité et des principes éthiques. Ce choix pourrait impliquer de nouvelles contraintes pour les multinationales opérant via des infrastructures en nuage ou des flux transfrontaliers de données, notamment en matière de localisation ou de consentement.
Les secteurs ciblés sont ceux où l’IA peut avoir un impact rapide et structurant : santé, agriculture, services financiers, administration publique. Des cas d’usage comme les diagnostics assistés, la médecine personnalisée ou l’automatisation des services administratifs sont identifiés comme prioritaires, avec une attention particulière à la gestion des risques éthiques.
La stratégie prévoit par ailleurs le développement d’une infrastructure numérique nationale robuste, appuyée sur des partenariats public-privé. Centres de données, ressources en nuage et pôles de recherche technologique seront au cœur de cette transformation. Ces investissements pourraient ouvrir des débouchés commerciaux importants, tout en suscitant de nouvelles exigences en matière de conformité, notamment pour les fournisseurs de cloud et les opérateurs télécoms.
Bien que le texte n’ait pas de portée juridique immédiate, il trace les contours d’un futur cadre de régulation de l’IA au Kenya. La stratégie aborde des thèmes sensibles comme la classification des risques, la surveillance réglementaire ou encore la gouvernance algorithmique.
Avec ce document, le Kenya entend s’imposer comme un acteur clé du débat africain sur l’IA. Alors que d’autres pays du continent comme le Nigeria, le Rwanda ou l’Algérie ont déjà adopté leurs propres stratégies nationales, Nairobi veut affirmer sa vision, renforcer ses partenariats internationaux et anticiper les normes à venir. La stratégie s’aligne ainsi sur plusieurs initiatives continentales, notamment celles portées par l’Union africaine, la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) ou l’Alliance Africa Smart.
Le défi sera d’opérationnaliser cette vision. Le succès pourrait dépendre de la capacité à mobiliser des investissements publics et privés, à établir une gouvernance ouverte mais rigoureuse, et à renforcer les compétences locales, notamment par la formation, la recherche et le développement de pôles technologiques.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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L’indice de développement des TIC de l’Union internationale des télécommunications (UIT) place l’Afrique parmi les régions du monde avec le plus faible niveau de préparation technique et humain à l’économie numérique. Cette faiblesse entrave grandement la capacité du continent à saisir les opportunités des nouvelles technologies de rupture.
Alors que l’Intelligence artificielle redéfinit les économies à l’échelle mondiale, son adoption dans les pays en développement, particulièrement en Afrique, soulève des enjeux cruciaux. Elle peut accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en favorisant l'agriculture intelligente et les réseaux énergétiques, en optimisant les chaînes de production et d'approvisionnement, en améliorant la gestion de l'eau et l'urbanisme, et bien plus encore. Des études de cas montrent que l'IA stimule la productivité et améliore les conditions de vie, si elle est soutenue par des politiques et des compétences adaptées. La CNUCED, dans son indice de préparation aux technologies frontières, évalue la capacité des nations à intégrer l’IA. Trois points critiques émergent pour l'adoption et le développement efficace de l'IA. Le diagnostic pour l’Afrique autour de ces indicateurs révèle des disparités frappantes avec le reste du monde, mettant aussi en lumière les investissements cruciaux à réaliser pour une transformation 4.0 entière et réussie.
Infrastructures
Cet indicateur désigne la connectivité numérique et la puissance de calcul, ainsi que les réseaux, l'architecture et les ressources associées nécessaires pour créer, former et utiliser des solutions d'IA au sein d'une communauté ou d'un pays.
Pays aux infrastructures les mieux préparées pour l’IA
Source : CNUCED
De nombreux pays en Afrique font partie des moins bien préparés à l'IA dans le monde. La grande majorité d’Afrique en fait. Le continent accuse un retard considérable en ce qui concerne la pénétration d'Internet et des investissements dans les services de télécommunications. En 2024, seuls 38% d’Africains avaient accès à Internet contre une moyenne mondiale de 68%, selon l’Union Internationale des télécommunications (UIT). Selon Africa Analysis, l'inventaire total des réseaux terrestres de fibre optique opérationnels en Afrique était d’environ 1 337 158 km, avec 112 373 km en construction. Cependant, certains pays d'Afrique du Nord, comme l'Égypte et le Maroc, dépassent les moyennes mondiales en matière de pénétration d'Internet et d'investissements dans les télécommunications, en partie grâce aux câbles sous-marins. L'Égypte, grâce à sa position géographique et ses liens avec de nombreux opérateurs de câbles sous-marins, pourrait devenir une plaque tournante connectant trois continents. Le pays à lui seul est connecté à plus d’une quinzaine de câbles sous-marins de fibre optique. Il affiche près de 90 % de pénétration d’Intranet.
Nombre d'infrastructures de services Cloud, mi-2024.
Source : CNUCED
L'Afrique est également en retard en ce qui concerne le trafic et l'adhésion aux points d'échange Internet (IXP) par rapport aux autres continents. Malgré ses 53 points d’échange localisés dans 36 pays, selon Internet Society, seuls trois pays ont atteint l’objectif fixé en 2010 de localiser 80% de l’intégralité du trafic Internet en local à l’horizon 2020, avec seulement 20% passant par les lignes internationales afin de réduire la latence et les coûts.
En matière de services d'infrastructure cloud, l'Afrique est également en retard par rapport aux autres régions. L’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria abritent aujourd’hui le plus grand nombre de centres de données sur le continent. Soit plus de 10 centres. Néanmoins, certains pays accélèrent la numérisation, suscitant l’intérêt croissant des investisseurs du secteur du stockage et de l’hébergement des données.
Données
Les données sont nécessaires pour former les modèles d'IA, avec des données dédiées pour appliquer les modèles à différents cas d'utilisation. Les données ne sont pas seulement un intrant, elles sont également générées par les systèmes d'IA. La plupart des pays d'Afrique sont considérés comme des « retardataires » en matière de préparation des données pour l'IA, avec un faible potentiel d'adoption et de développement. La faible numérisation de la majorité des pays d’Afrique prive le continent de données à exploiter pour nourrir les modèles d’intelligence artificielle indispensables à l’analyse d’informations. Selon l’indice 2024 de développement du gouvernement électronique, seuls deux pays africains affichent un score très élevé : l’Afrique du Sud et l’île Maurice. Dix-sept pays affichent un score élevé. Le reste des trente-cinq pays du continent affichent des scores en dessous de la moyenne mondiale.
Pays à l’accessibilité Internet favorable pour l’IA
Source : CNUCED
En ce qui concerne le trafic de données à haut débit fixe, indispensable pour le flux de données, les pays les moins avancés (PMA), dont beaucoup sont africains, sont en retard par rapport aux pays en développement. Dans son « Mobility Report » de novembre 2024, la société Ericsson indique que le trafic de données mobile ne connaîtra qu’une hausse de 21% entre 2024 et 2028. Soit de 5,4 à 17 Gigabits par mois. Un volume bien en dessous des autres régions et même de la moyenne mondiale qui passera de 19 à 40 Gigabits par mois.
Trafic des points d'échange Internet et nombre de membres, mi-2024
Source : CNUCED
Le retard en matière de points d’échange Internet et de transformation de ces derniers pèse également sur la consommation d’Internet et la production de données.
Compétences
En moyenne, les PMA, dont une grande partie se trouve en Afrique, enregistrent des scores nettement inférieurs à ceux des pays en développement et développés dans toutes les dimensions de l'indice de préparation aux technologies frontières, et l'écart est particulièrement important pour l’indice des compétences.
Les pays africains obtiennent des scores relativement faibles en matière de développeurs par rapport à la population en âge de travailler et de part de la population en âge de travailler ayant fait des études supérieures, note la CNUCED.
Pays aux compétences en matière d'IA (Image préparation IA.4)
Source : CNUCED
Cependant, des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Ghana et le Kenya ont connu une croissance rapide du nombre de développeurs, devenant des pôles prometteurs pour les entreprises technologiques et des semis précieux pour l’innovation tech. L'Éthiopie, l’Egypte connaissent également une croissance rapide du nombre de personnes avec des compétences numériques de niveau intermédiaire et élevé grâce à une multiplication des collaborations internationales. Des initiatives privées comme Andela et bien d’autres portées par de grands groupes à l’instar de Microsoft, Google ou encore Huawei laissent également entrevoir des lendemains meilleurs pour la future main-d’œuvre africaine.
Le rapport de la CNUCED dresse un constat clair : l’Afrique est aujourd’hui mal préparée à la révolution de l’IA. Pourtant, des signaux forts montrent que le continent peut rattraper son retard en accélérant les investissements dans l’infrastructure numérique, en libérant le potentiel des données et en formant massivement aux compétences tech. Des pays comme l’Egypte, le Kenya et le Nigeria montrent la voie. Si ces efforts se généralisent, l’Afrique pourrait non seulement adopter l’IA, mais aussi en devenir un acteur majeur, créant des solutions adaptées à ses défis uniques.
Muriel EDJO
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Dans sa nouvelle stratégie numérique, le Sénégal place la santé numérique parmi ses priorités. L’adoption de nouvelles orientations politiques vise à renforcer et structurer les initiatives déjà engagées.
Le Sénégal dispose désormais d’un cadre politique de santé numérique, destiné à structurer la numérisation du secteur médical. Validé le lundi 28 avril par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Ibrahima Sy, ce document vise à intégrer les technologies numériques dans les services de santé, tout en améliorant leur gouvernance et leur efficacité.
S’exprimant sur ce nouveau cadre, le ministre a insisté sur la nécessité de mieux coordonner les multiples initiatives numériques déjà en cours, souvent mises en œuvre de manière dispersée. L’un des objectifs majeurs est d’éviter les chevauchements et d’optimiser les efforts. Il a également souligné l’urgence d’un cadre juridique robuste, indispensable pour garantir la sécurité et la confidentialité des données de santé des citoyens.
Dans cette dynamique, un projet de loi sur la santé numérique est en cours de finalisation. Il sera prochainement soumis au Secrétariat général du gouvernement. Ce texte vise à encadrer formellement l’usage des technologies dans le système de santé, en définissant des règles claires pour la collecte, le stockage et l’exploitation des données médicales.
Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre du Projet d’accélération de l’économie numérique (PAEN), financé par la Banque mondiale à hauteur de 150 millions de dollars jusqu’en 2028. Le PAEN vise notamment à renforcer la connectivité haut débit, résiliente face aux aléas climatiques, et à encourager l’adoption des services publics en ligne, dont le Dossier patient informatisé (DPI).
Le programme prévoit, dès cette année, l’extension du Dossier patient informatisé (DPI) à six régions supplémentaires, après une phase pilote menée dans plusieurs établissements de Dakar, dont les hôpitaux Abass Ndao et Thierno Birahim Ndao, ainsi que le centre de santé Khadim Rassoul et le poste de santé HLM Fass.
Malgré ces avancées, plusieurs défis demeurent. L’un des enjeux majeurs sera d’éviter que la numérisation n’accentue les inégalités d’accès aux soins, notamment dans les zones rurales ou mal connectées. La démocratisation des outils numériques, l’inclusion des populations les plus vulnérables et la formation du personnel de santé seront déterminants pour réussir cette transition.
La réussite de cette transformation devrait aussi s'appuyer sur une gouvernance rigoureuse des données de santé, afin de préserver la confiance des citoyens dans ces nouveaux systèmes. Son succès dépendra ainsi de sa capacité à allier innovation, équité et sécurité.
Samira Njoya
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