Oracle, Naver, Nokia, Cisco… Les grands noms de la tech se succèdent pour poser leurs valises au Maroc. En quelques années, le royaume est devenu un pôle numérique stratégique en Afrique, porté par une vision politique claire, une stabilité attractive et des infrastructures en plein essor.
La semaine dernière, la société d’informatique américaine Oracle a annoncé l’ouverture d’un centre de recherche et développement (R&D) à Casablanca, avec à la clé la création de 1 000 emplois hautement qualifiés. Ce centre sera dédié aux solutions cloud, à l’intelligence artificielle (IA) et à la cybersécurité. Le géant américain n’est pas seul à investir. Quelques jours plus tôt, le Coréen Naver, leader asiatique des technologies numériques, avait lui aussi révélé son intention de créer un centre de données d’IA de nouvelle génération.
Ces annonces illustrent une tendance de fond : le Maroc s’impose comme une plateforme incontournable pour les multinationales désireuses d’étendre leur présence en Afrique. Nokia a lancé fin 2024 un centre d’innovation à Salé. Cisco, Jumia, Atos, Huawei ou encore IBM ont renforcé leurs activités dans le royaume, séduits par un environnement favorable et mature pour les activités numériques.
Une stratégie d’attractivité affirmée
Le Maroc mise d’abord sur sa position géographique stratégique, à la croisée de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Mais c’est surtout la qualité de ses infrastructures numériques qui attire les investisseurs. Le pays compte plus de 20 data centers, l’un des réseaux les plus denses du continent. Il s’est engagé dans la construction de deux régions cloud publiques avec Oracle, une première en Afrique du Nord. Cette dynamique s’inscrit dans une politique ambitieuse de souveraineté numérique et de localisation des données.
La connectivité du royaume est un autre atout majeur. Selon le rapport Digital 2025 Morocco (DataReportal), le pays comptait 35,3 millions d’utilisateurs Internet début 2025, soit 92,2 % de la population totale. Le Maroc est aussi relié à plus d’une dizaine de câbles sous-marins à haut débit, dont le câble 2Africa, l’un des plus vastes projets d’infrastructure numérique au monde.
Un environnement propice à l’investissement
Le cadre fiscal figure parmi les leviers utilisés pour séduire les entreprises. La Loi de Finances marocaine prévoit des exonérations ou des réductions d’impôts pour les sociétés installées dans les zones d’accélération industrielle ou technologique, comme Casanearshore, Technopolis ou Tanger Med.
Le pays s’appuie également sur un capital humain de plus en plus qualifié. Environ 10 000 ingénieurs en technologies de l’information sont formés chaque année, grâce à des partenariats entre universités et entreprises comme Huawei ou IBM, qui déploient des programmes de certification et d’incubation.
Enfin, la stratégie nationale « Maroc Digital 2030 » affiche des ambitions claires : générer 150 000 emplois liés au numérique, numériser la majorité des services publics et positionner le pays comme plateforme technologique régionale. Le renforcement du cadre réglementaire (cybersécurité, e-gouvernement, protection des données) vient consolider un climat de confiance pour les investisseurs.
Une dynamique qui pourrait faire du royaume un acteur clé de la souveraineté numérique africaine et un moteur des innovations technologiques à l’échelle du continent. Selon le dernier classement du site web financier Insider Monkey, le royaume est le pays le plus avancé technologiquement sur le continent africain. Avec un score total de 208, le pays occupe la première place de ce classement de 15 pays.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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La 8ᵉ édition du HackerLab a débuté ce lundi au Bénin. Pendant 48h, 80 jeunes finalistes d’Afrique s’affrontent sur des défis cyber, en marge du Cyber Africa Forum, pour promouvoir un numérique souverain et sécurisé.
C’est parti pour la 8ᵉ édition du HackerLab, l’un des rendez-vous les plus établis et emblématiques de la cybersécurité en Afrique de l’Ouest. Coorganisée par l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) du Bénin et le Cyber Africa Forum (CAF), la compétition s’est ouverte ce lundi à Cotonou, en prélude au CAF 2025. Pendant 48 heures non-stop, du 23 au 25 juin, les meilleurs jeunes talents du continent s’affronteront sur des épreuves techniques exigeantes dans un format Capture The Flag (CTF), autour du thème « Le Projet 403 : Évasion du labyrinthe numérique ».
Après une phase de qualification qui a réuni plus de 500 participants, 20 équipes finalistes, soit 80 jeunes passionnés de cybersécurité, se préparent à relever les défis posés par les experts du bjCSIRT dans un environnement technique simulé. La cérémonie de remise des prix est prévue le mercredi 25 juin au Sofitel Cotonou Marina en présence de décideurs publics et de leaders de l’écosystème numérique africain.
Pour Ouanilo Médégan-Fagla, Directeur du Centre National d'Investigations Numériques (CNIN), cette édition constitue un tournant stratégique : « Nous avons voulu donner à ces jeunes le laboratoire, le bac à sable qu’il faut pour qu’ils puissent faire éclore leur talent. C’est un laboratoire pour eux, mais aussi pour nous. Aucune édition ne ressemble à la précédente. Cette année, l’innovation réside dans l’accent mis sur l’intelligence artificielle et les technologies de virtualisation, mais aussi dans notre collaboration avec le Cyber Africa Forum. L’objectif est clair : exposer nos jeunes au-delà des frontières et les connecter à des opportunités concrètes. »
Alors que plus de 4 millions de postes sont vacants dans le secteur de la cybersécurité à l’échelle mondiale, le continent africain fait face à une pénurie critique de compétences. Une étude de l’ISC2 (2024) révèle que malgré une demande croissante, le volume de main-d’œuvre en cybersécurité reste stable en Afrique. Pendant ce temps, la région subit une propagation massive des cyberattaques : en 2024, plus de 131 millions de menaces web ont été détectées – dont une augmentation de 14 % des attaques de spyware et 26 % des vols de mots de passe, selon Kaspersky. Face à cette double urgence – un déficit flagrant de compétences et une explosion des cybermenaces – le HackerLab se positionne dès lors comme une réponse tangible pour inverser la tendance.
Franck Kié, Commissaire Général du Cyber Africa Forum, souligne l’importance de ce partenariat : « Notre collaboration avec le HackerLab est une réponse directe à l’impératif de renforcer la cybersécurité en Afrique face à la pénurie de professionnels qualifiés. Le succès du HackerLab au Bénin démontre le potentiel immense du continent. Avec ce genre de partenariat, nous créons une plateforme structurée pour former, révéler et connecter la prochaine génération d’experts africains. »
À travers le HackerLab, le Bénin cherche à renforcer son ambition de devenir un hub régional en matière de cybersécurité et fait le pari d’un numérique souverain, résilient et inclusif. Les lauréats bénéficieront de certifications reconnues, formations spécialisées, et d’opportunités de stage auprès d’acteurs majeurs du secteur. Ce laboratoire de talents est un investissement stratégique pour un futur numérique sécurisé en Afrique.
Le Burundi veut mettre les technologies de l’information et de la communication au service du développement socio-économique. Cette intégration touche à plusieurs domaines de la gouvernance publique, dont l’administration fiscale.
L’Office burundais des recettes (OBR) poursuit ses efforts de modernisation en misant sur le partage d’expériences avec d’autres administrations fiscales du continent. Fin de semaine dernière, l’OBR a organisé deux journées de réflexion et d’échanges avec la National Revenue Authority (NRA) de la Sierra Leone, reconnue pour avoir réussi la digitalisation de son système de collecte des recettes publiques.
Cette rencontre s’inscrit dans une dynamique plus large : elle fait suite à une mission similaire organisée environ une semaine plus tôt avec la Liberia Revenue Authority (LRA). Pendant deux jours, les experts de la LRA ont échangé avec ceux du projet e-KORI, dédié à la digitalisation des taxes internes au Burundi. L’ensemble du processus libérien de modernisation fiscale a été analysé en détail. L’OBR estime que le Liberia « a su, après une longue période d’instabilité marquée par la guerre civile, mettre en place avec succès une digitalisation efficace de ses mécanismes de collecte des taxes internes ». L’institution indique également avoir engagé des échanges avec le Bénin.
La stratégie numérique de l’OBR vise à simplifier les démarches fiscales pour les contribuables, automatiser la gestion et la collecte des recettes, et garantir une meilleure fiabilité des données, plus faciles à stocker et à exploiter. À ce jour, l’une des avancées majeures reste le lancement en 2023 d’une plateforme de télédéclaration et de télépaiement. Le site web de l’OBR propose également des services tels que la dénonciation anonyme de faits de corruption, la vérification de validité des documents ou encore l’accès aux informations réglementaires.
L’administration burundaise travaille actuellement à la mise en place d’un système numérique intégré pour la gestion des taxes internes et des recettes non fiscales. L’appel d’offres pour sa fourniture a été lancé le 5 mai. En parallèle, l’OBR intensifie ses efforts de sensibilisation auprès des contribuables pour l’adoption des machines de facturation électronique.
Cette vision de transformation numérique est partagée à l’échelle internationale. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne que la transformation numérique des administrations fiscales vise à rendre le paiement de l’impôt plus simple et moins coûteux. « Si le processus est fastidieux, il génère des coûts importants en temps et en argent pour les contribuables. Et à l’échelle de l’économie, cela peut représenter des pertes considérables, tant en productivité qu’en ressources », explique l’organisation.
Consciente que le numérique n’est qu’un levier parmi d’autres, l’OBR insiste sur la nécessité d’un cadre fiscal clair, évitant les interprétations multiples, d’une meilleure éducation au civisme fiscal, ainsi que d’un suivi renforcé des contribuables, notamment en ce qui concerne l’usage effectif des outils numériques comme les machines de facturation ou les plateformes de messagerie.
Par ailleurs, il conviendrait de rappeler qu’après la numérisation, les populations auront besoin d’un accès concret au numérique pour bénéficier pleinement des services. L’Union internationale des télécommunications (UIT) estime par exemple que près de 90 % des Namibiens n’utilisaient pas Internet en 2023. Environ 80 % de la population ne possédait pas de téléphones mobiles.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Ce mardi 24 juin lors du Cyber Africa Forum 2025, dans le cadre du programme Talent4Startups porté par Digital Africa, Epitech Bénin annonce le lancement d’une nouvelle cohorte de 70 jeunes talents africains formés aux compétences clés du développement web, mobile et data. Cette initiative s’inscrit dans la mission d’Epitech de démocratiser l’accès aux métiers du numérique et de répondre aux besoins croissants en compétences tech sur le continent africain.
Ce programme de formation intensif, opéré par la Coding Academy d’Epitech, cible les jeunes talents issus de plusieurs pays africains francophones, dont le Bénin. Il vise à leur transmettre des compétences techniques immédiatement mobilisables sur le marché de l’emploi, tout en favorisant leur insertion dans l’écosystème des startups africaines.
Après une première participation en 2024, Epitech Bénin renouvelle et renforce son partenariat avec Digital Africa en 2025 à travers cette nouvelle cohorte. L’édition précédente avait permis de former 100 jeunes talents, répartis équitablement entre développeurs full stack, data d’une part et futurs product managers d’autre part.
Cette nouvelle promotion de 70 apprenants sera accompagnée par l'équipe de la Coding Academy d’Epitech, avec une pédagogie active centrée sur les projets. L’objectif est double : d’une part, doter les jeunes de compétences techniques solides, et d’autre part, leur permettre d’intégrer rapidement des startups en forte croissance ou au mieux, de lancer leurs propres startups avec l’appui de l’incubateur Future Studio.
Cette initiative illustre le rôle clé que peuvent jouer les partenariats entre acteurs de la formation numérique et plateformes de soutien à l’entrepreneuriat technologique comme Digital Africa. Elle s’inscrit dans le pivot stratégique de cette dernière, qui se concentre désormais sur le financement en amorçage et la structuration d’un vivier de talents numériques à fort potentiel. Le tout avec un objectif clair : propulser les startups africaines au cœur de la transformation économique et sociale du continent.
« Sans Digital Africa et son financement, je n’aurais pu m’inscrire à la Coding Academy d’Epitech. Cette bourse m’a permis d’opérer ma reconversion professionnelle avec succès. Diplômée en imagerie médicale, j’ai eu du mal à débuter une carrière dans ce secteur, quand l’opportunité d’apprendre le développement web et mobile s’est présentée avec Talent4Startups. Les compétences que j’ai acquises en six mois sont impressionnantes. » - Mondoukpè Stella Aguemon – Alumni Talent4Startups 2024
Le financement de Digital Africa pour former ces 70 jeunes s’élève à près de 180 000 euros. Ce financement permet de prendre en charge 95% des frais de formation des jeunes sélectionnés. Ils s’acquittent de 5% des frais de formation, à hauteur d’environ 75000 francs CFA par apprenant, contre 1 500 000 francs CFA (environ 2 300 euros). Une réduction du coût de la formation qui permet de rendre accessible cette formation à des jeunes issus de milieux défavorisés ou en quête d’une reconversion professionnelle vers les métiers du numérique et de la tech.
Au-delà du coût de la formation, l’opportunité qu’offre Digital Africa à travers Talent4Startups et la Coding Academy est une opportunité unique pour ces jeunes de démarrer une carrière et de constituer une main d’œuvre disponible pour combler les besoins en ressources humaines des startups et au-delà, de tout le marché de la tech africaine.
« En formant 70 jeunes cette année, nous impulsons une nouvelle génération de développeurs et de spécialistes data, prêts à relever les défis numériques du continent. Notre mission ? Les outiller pour qu'ils deviennent les fondateurs de startups innovantes ou des intrapreneurs au sein d'écosystèmes tech en plein essor. Accompagnement, mentorat et accès aux réseaux : nous les armons pour qu'ils transforment leurs compétences en ventures ambitieuses et impactantes » - Ghislain Gandjonon – Responsable Epitech Afrique
Les étudiants de la précédente cohorte de Talent4Startups en sont la preuve vivante. Dès la fin de la formation, en moins de 10 jours, chaque apprenant a trouvé un stage avant de rentrer durablement dans le monde du travail.
C’est donc avec la certitude de combler un besoin présent que débuteront les formations de la Coding Academy d’Epitech au profit des 70 jeunes bénéficiaires ce 14 juillet 2025. Les entreprises, notamment les startups, sont les véritables cibles de ce programme. Elles sont invitées massivement à exprimer leurs besoins de ressources humaines via bit.ly/3YJQANs pour participer au salon de recrutement afin de recruter les talents de cette cohorte de développeurs web, mobile et data de Talent4Startups.
Au-delà des 70 bourses Coding Academy d’Epitech, Talent4Startups finance aussi 100 bourses avec la Digital Valley sur des formations en Product Management, Growth Marketing et Tech Lead au profit de startups. Les candidatures pour ces profils sont encore en cours via https://bit.ly/T4S_Entreprises.
À propos d’Epitech
Epitech, l’école supérieure d’informatique de référence, propose un modèle pédagogique unique qui forme à l’excellence en ingénierie logicielle, en IA, Data et en cybersécurité. Nos étudiants construisent des carrières de haut niveau au cœur d’un réseau de 12 500 alumni. Présente dans 20 villes dans le monde. Epitech délivre pour son Programme Grande École en 5 ans un Diplôme d’expert en technologies de l’information visé par le ministère de l’enseignement supérieur. Elle permet aussi de suivre un Programme Master of Science et un Programme Bachelor. Epitech est membre de IONIS Education Group. www.epitech.eu / www.epitech.bj
À propos de Digital Africa
Digital Africa, filiale de Proparco (groupe AFD), agit en faveur du développement de la tech en Afrique. Nous investissons directement dans les startups innovantes, en concentrant nos efforts sur les écosystèmes peu desservis par les investisseurs traditionnels. Son ambition consiste à donner aux entrepreneurs africains les moyens de déployer des solutions innovantes à grande échelle, capables de répondre aux besoins concrets des populations et d’impacter l’économie réelle.
Le Sénégal ambitionne de bâtir une société de l’information en intégrant de manière significative les TIC dans tous les secteurs de son économie d’ici 2034. Dans cette dynamique, le gouvernement multiplie les partenariats stratégiques internationaux.
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko (photo, à gauche), effectue depuis le dimanche 22 juin une visite officielle en République populaire de Chine, accompagné d’une délégation de haut niveau, dont Alioune Sall (photo, au centre), ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. L’objectif affiché de cette mission est de consolider les partenariats technologiques avec Pékin et d’accélérer la transformation numérique du Sénégal.
Le Premier Ministre Monsieur Ousmane SONKO, accompagné d’une forte délégation dont moi même, effectuons depuis le 22 Juin 2025, une mission de haut niveau en Chine afin de renforcer les partenariats clés du #NewDealTechnologique !
— SALL Alioune (@SALLAlioune20) June 23, 2025
Lors de son séjour à Hangzhou, l'une des villes… pic.twitter.com/87kNrpNdqf
À Hangzhou, haut lieu de l’innovation chinoise, la délégation sénégalaise a rencontré plusieurs grandes entreprises telles qu’Alibaba Group, BrainCo (spécialisée dans les interfaces cerveau-machine) et CHINT (leader des solutions énergétiques intelligentes). Les discussions ont porté sur des axes clés tels que le développement d’infrastructures numériques critiques (fibre optique, 5G, intelligence artificielle), ainsi que sur des mécanismes de transfert de compétences et de soutien à l’écosystème des start-up sénégalaises à travers des investissements ciblés, des formations techniques et des coopérations académiques.
Cette visite s’inscrit dans la continuité d’une coopération bilatérale renforcée ces dernières années. En 2023, Dakar et Pékin avaient déjà lancé des projets communs pour numériser le système de transport routier sénégalais. Avec la mise en œuvre de la stratégie nationale « New Deal technologique », le gouvernement ambitionne de faire du numérique un levier central de sa souveraineté technologique et de sa croissance inclusive. De son côté, la Chine continue d’intensifier sa présence en Afrique de l’Ouest à travers des partenariats structurants dans les secteurs stratégiques.
Si cette mission débouche sur de nouveaux accords, elle pourrait ouvrir la voie à des partenariats stratégiques majeurs, notamment en vue des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026, pour lesquels Alibaba Cloud est pressenti comme partenaire technologique. Au-delà de cet événement, cette coopération pourrait jouer un rôle déterminant dans la structuration d’un écosystème numérique sénégalais solide, générateur d’emplois qualifiés et capable de renforcer l’autonomie technologique du pays face aux enjeux du XXIe siècle.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Avec l’essor de l’IA en Afrique, les failles de cybersécurité se multiplient, exposant citoyens, institutions et infrastructures à des attaques de plus en plus subtiles. Dans ce contexte, les autorités peinent encore à contenir l’expansion rapide de la criminalité en ligne.
La cybercriminalité continue de gagner du terrain en Afrique, représentant jusqu’à 30 % des crimes signalés dans certaines régions, notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est, selon le dernier rapport d’évaluation d’Interpol sur la cybermenace sur le continent publié le lundi 23 juin.
📢 New INTERPOL report warns of a sharp rise in cybercrime in Africa.
— INTERPOL_Cyber (@INTERPOL_Cyber) June 23, 2025
🔗 https://t.co/F98W3lS9gm#Cybercrime #INTERPOL
L’évaluation annuelle des cybermenaces africaines souligne une montée en puissance des attaques numériques dans les États membres africains, avec des menaces de plus en plus sophistiquées. Les escroqueries en ligne, notamment via l’hameçonnage, les rançongiciels, les compromissions de courriels professionnels (BEC) et la sextorsion numérique figurent parmi les principales cybermenaces recensées.
Des menaces numériques variées et ciblées
Selon le rapport, certaines attaques ont visé des infrastructures critiques, comme l’Autorité des routes urbaines du Kenya ou encore le Bureau national des statistiques du Nigeria. En Afrique de l’Ouest, des groupes criminels comme le syndicat transnational Black Axe sont pointés du doigt dans des opérations de fraude BEC impliquant des millions de dollars.
Sur le continent, les chiffres sont révélateurs. En 2024, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont enregistré le plus grand nombre de détections de rançongiciels, avec respectivement 17 849 et 12 281 cas. Le Nigeria (3459) et le Kenya (3030) suivent de près, confirmant la vulnérabilité des économies les plus numérisées.
Interpol alerte également sur une explosion des cas de sextorsion numérique, signalée dans 60 % des pays membres africains. Dans de nombreux cas, les images compromettantes utilisées sont souvent générées ou manipulées à l’aide de l’intelligence artificielle.
Des capacités de réponse limitées face à l’ampleur des cyberattaques
Malgré cette recrudescence, les capacités d’enquête et de réponse restent limitées. Neuf pays africains sur dix estiment qu’une amélioration significative de leurs capacités de maintien de l’ordre et de poursuites est nécessaire. Les systèmes de signalement d’incidents, de gestion de preuves numériques ou encore les bases de données sur les menaces sont peu répandus. Seuls 30 % des pays déclarent disposer d’un système de notification, 29 % d’un système de traitement des preuves numériques, et 19 % d’une base de données sur les cybermenaces.
À cela s’ajoutent des défis juridiques et institutionnels. Trois quarts des pays interrogés reconnaissent que leur cadre légal actuel est inadapté. Et 95 % évoquent un manque de formation, de ressources ou d’outils spécialisés pour lutter efficacement contre la cybercriminalité.
Par ailleurs, la coopération régionale et internationale demeure insuffisante. Pour 86 % des pays africains, la lenteur des mécanismes formels, l’absence de réseaux opérationnels et l’accès restreint aux données hébergées à l’étranger entravent les enquêtes. Et 89 % jugent également nécessaire de renforcer leur collaboration avec le secteur privé.
Interpol note cependant des avancées. Plusieurs États africains ont harmonisé leur législation avec les standards internationaux, investi dans des unités spécialisées et participé à des opérations majeures, telles que Serengeti et Carton Rouge, ayant permis plus de 1000 arrestations.
L’organisation appelle à un renforcement de la coopération intergouvernementale et avec le secteur privé, ainsi qu’à l’intégration des technologies émergentes pour mieux anticiper et contrer les menaces. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de l’initiative AFJOC (African Joint Operation against Cybercrime), soutenue par le Royaume-Uni et visant à renforcer les capacités de cybersécurité des États africains.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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L’intelligence artificielle s’impose peu à peu comme un levier de transformation des services publics africains. Si des solutions locales émergent dans la santé, l’éducation ou l’agriculture, leur déploiement à grande échelle reste conditionné par des investissements structurels et un cadre éthique clair.
L’Afrique multiplie les initiatives d’IA pour moderniser ses services publics, notamment dans des secteurs stratégiques comme la santé, l’agriculture ou encore l’éducation. Selon le rapport « Governing in the Age of AI – Unlocking a New Era of Transformation in Africa », publié en avril 2025 par le Tony Blair Institute, l’IA peut accroître la productivité des États, améliorer la transparence et renforcer l’accès à des services essentiels à moindre coût. L’Afrique, qui ne représente encore que 1 % des investissements mondiaux en IA, pourrait tirer parti d’une approche ciblée, fondée sur des cas d’usage concrets et adaptés aux réalités locales.
Santé : diagnostics low-cost et logistique intelligente
En Afrique, les applications de l’IA dans le secteur de la santé se multiplient. Au Nigeria, la start-up Ubenwa a mis au point un algorithme capable d’analyser les pleurs des nouveau-nés pour détecter précocement des signes d’asphyxie, réduisant ainsi la mortalité néonatale dans les zones rurales. À Nairobi, Neural Labs teste NeuralSight, une plateforme d’analyse d’imagerie médicale basée sur l’IA qui permet de diagnostiquer plus de 20 pathologies respiratoires et mammaires à moindre coût.
Agriculture : productivité augmentée à l’échelle des petits exploitants
L’agritech africaine adopte massivement l’IA pour transformer les exploitations. Aerobotics, basée en Afrique du Sud, exploite drones et imagerie satellite pour détecter maladies et ravageurs avant qu’ils ne se propagent, contribuant à augmenter les rendements. Farmerline, au Ghana, a lancé Darli, un chatbot accessible via WhatsApp dans 27 langues africaines, délivrant des conseils agricoles adaptés. Lancé en mars 2024, ce service touche déjà 110 000 agriculteurs. Ces innovations facilitent l’accès à l’expertise agricole, aident à réduire les intrants et renforcent la résilience climatique.
Éducation : assistance personnalisée pour pallier la pénurie d’enseignants
Avec un déficit estimé à 15 millions d’enseignants sur le continent selon l’UNESCO, l’IA est perçue comme un outil d’appui précieux. SkillBridge, en Éthiopie, et M‑Shule, au Kenya, proposent des assistants intelligents qui guident les élèves via SMS ou application, avec un taux de précision de 87 % dans des exercices préparatoires. Afrilearn, de son côté, s’appuie sur un modèle « learn-and-earn » pour permettre aux élèves nigérians d’accéder gratuitement à des ressources pédagogiques enrichies et interactives.
Des stratégies nationales encore inégalement réparties
À ce jour, environ 11 pays africains ont adopté une stratégie nationale d’intelligence artificielle, dont le Rwanda, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, la Tunisie et le Bénin. Selon l’indice AI Readiness Index 2023 de l’Université d’Oxford, la région Afrique subsaharienne obtient une note moyenne de 30,2 sur 100, loin derrière l’Asie de l’Est (52,6). Les principaux freins identifiés : manque d’infrastructures numériques, déficit de données de qualité et faibles capacités institutionnelles.
À l’échelle continentale, l’Union africaine a adopté en 2024 une Stratégie africaine pour l’intelligence artificielle, qui encourage une IA responsable, inclusive et éthique. Ce cadre prévoit notamment le développement de standards de gouvernance des données, la mutualisation des infrastructures régionales et la promotion des innovations locales.
L’IA africaine entre promesse locale et défis systémiques
L’Afrique dispose aujourd’hui de cas d’usage tangibles d’IA à fort impact dans la santé, l’agriculture, l’éducation et la gestion publique. Des start-up suscitées démontrent la capacité du continent à innover localement. Pourtant, sans un effort structurant autour des infrastructures, de la formation des talents et de la gouvernance éthique, ces initiatives risquent de rester marginales.
Le rapport du Tony Blair Institute propose en réponse la création d’un AI Financing Compact for Africa, visant à mutualiser les investissements pour les centres de données, les identités numériques et les programmes de formation certifiante. De son côté, le secteur privé, porté par les start-ups et les hubs technologiques, joue un rôle moteur dans le déploiement de solutions adaptées aux contextes africains.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Dans un contexte marqué par une régulation plus stricte du secteur fintech en Afrique de l’Ouest, les acteurs du numérique financier doivent innover pour poursuivre leur développement. Fondée en Côte d’Ivoire, Djamo fait figure de pionnière parmi les fintechs francophones, en proposant une solution inclusive qui connecte les populations non bancarisées aux services financiers essentiels. Portée par une récente levée de fonds de 17 millions de dollars, la plus importante jamais enregistrée dans l’écosystème tech ivoirien, l’entreprise entend élargir son champ d’action, tant sur le plan régional qu’en matière de services aux PME.
Dans cet entretien exclusif, Régis Bamba, cofondateur de Djamo, revient sur les grandes étapes de la croissance de la start-up, la concurrence, la pression réglementaire de la BCEAO, ainsi que sa vision de l’inclusion financière en Afrique.
Agence Ecofin : Comment est née l'idée de Djamo ?
Régis Bamba : L'idée vient de mon associé, Hassan Bourgi. À son retour en Côte d'Ivoire, il a rencontré de grandes difficultés pour ouvrir un compte bancaire. Il s’est dit que si lui, avec son profil très digital, peinait autant, qu’en était-il du reste de la population ?
« Ce qui fait avancer le marché, c’est surtout la demande. »
Cette expérience, couplée à un taux de bancarisation encore très faible, nous a confortés dans l’idée qu’il fallait repenser l’accès aux services financiers. Nous nous sommes demandé pourquoi cet accès ne passerait pas, comme pour le mobile money, par le téléphone. C’est ainsi qu’est née l’idée de Djamo. Notre premier produit a été une carte Visa accessible directement via un téléphone.
Agence Ecofin : Quelles ont été les grandes étapes du développement de Djamo ?
Régis Bamba : Djamo a cinq ans aujourd’hui. Nous avons démarré fin 2019 avec les premières lignes de code et la recherche de partenaires. En 2020, malgré la pandémie, nous avons levé 300 000 euros auprès de business angels. Début 2021, nous avons intégré Y Combinator, un accélérateur de start-up basé dans la Silicon Valley, ce qui nous a véritablement propulsés. Fin 2021, nous avons lancé le produit Djamo et obtenu nos premiers clients, avec une croissance rapide.
« Nous avons démarré fin 2019 avec les premières lignes de code et la recherche de partenaires. En 2020, malgré la pandémie, nous avons levé 300 000 euros auprès de business angels. »
En 2022, nous avons dépassé le million de transactions. En 2023, nous avons enrichi notre offre avec des services comme le coffre, les transferts, et surtout un produit d’investissement sur la BRVM – une première pour une fintech, avec une licence officielle. Nous avons aussi lancé nos activités au Sénégal. Fin 2024, nous avons introduit une offre business. Et en 2025, nous avons franchi le cap d’un million d’utilisateurs actifs, c’est-à-dire des utilisateurs effectuant des transactions régulières sur la plateforme.
Agence Ecofin : Comment Djamo se positionne-t-elle par rapport aux banques et aux autres fintechs ?
Régis Bamba : Djamo ne se positionne pas contre les banques. Nous ne sommes pas des concurrents, mais des partenaires. Notre objectif est de créer un pont entre les banques et les populations. Là où les banques n'ont pas toujours la souplesse pour atteindre certains publics, nous apportons une solution technologique qui facilite l'accès à leurs services.
« Là où les banques n'ont pas toujours la souplesse pour atteindre certains publics, nous apportons une solution technologique qui facilite l'accès à leurs services. »
Tous nos produits sont d’ailleurs développés en partenariat avec des banques, conformément à la régulation de l’UEMOA. Ce qui fait notre force, c’est une expérience client fluide, sans paperasse, sans frais cachés, avec un support disponible 24/7. Nous contribuons aussi à l’éducation financière en aidant les clients à découvrir des services bancaires au-delà du simple mobile money.
Ce dernier reste utile, mais limité : dépôts, retraits, transferts. Pour une inclusion financière complète, il faut aller plus loin : accès au crédit, à l’investissement, à l’épargne. Djamo se positionne donc comme un acteur complémentaire, agile, capable de travailler aussi bien avec les banques qu’avec d’autres fintechs, pour améliorer l’inclusion et l’éducation financière.
Agence Ecofin : Malgré un taux d’inclusion financière supérieur à 83 % grâce aux services électroniques, le taux de bancarisation reste autour de 25 %. Pourquoi, selon vous, les banques ont-elles autant de mal à toucher la population ?
Régis Bamba : Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, la banque est un métier exigeant : il s’agit de gérer l’argent des gens, avec des obligations strictes imposées par la Banque centrale. Ces contraintes peuvent parfois nuire à l’expérience client. Ensuite, beaucoup de banques n’ont pas une culture de l’innovation. Elles fonctionnent comme de grandes structures peu flexibles, alors que les besoins évoluent très vite dans un monde de plus en plus digital.
Les clients s’attendent à des services accessibles, simples, disponibles en ligne. Or, beaucoup de banques ont du mal à répondre à ces attentes, en particulier chez les jeunes.
Prenons l’exemple de l’ouverture d’un compte : dans une banque traditionnelle, cela demande de se déplacer, remplir des papiers, perdre du temps. Avec Djamo, quelques clics suffisent pour obtenir un RIB, sans quitter son bureau.
« Prenons l’exemple de l’ouverture d’un compte : dans une banque traditionnelle, cela demande de se déplacer, remplir des papiers, perdre du temps. Avec Djamo, quelques clics suffisent pour obtenir un RIB, sans quitter son bureau. »
Aujourd’hui, à l’ère de l’intelligence artificielle et de la dématérialisation, les banques doivent adopter une approche plus ouverte. Elles gagneraient à s’appuyer sur des fintechs comme la nôtre, plus agiles, plus technologiques, pour innover tout en restant dans le cadre réglementaire existant.
Agence Ecofin : En avril 2025, vous avez réalisé la plus grande levée de capital-risque en Côte d'Ivoire avec 17 millions de dollars mobilisés. Alors, quels sont les objectifs visés avec ces fonds ?
Régis Bamba : L’objectif, c’est clairement la croissance. En tant que start-up, notre ambition est d’avoir une trajectoire exponentielle. Cet argent va nous permettre d’investir dans la recherche et le développement pour trouver les bons leviers de croissance. Il servira aussi à construire les fondations nécessaires pour renforcer les partenariats que nous développons, notamment avec les banques. L’idée, c’est d’offrir toujours plus de services bancaires – comme le crédit, l’épargne, voire de l’investissement – tout en gardant la simplicité et l’accessibilité du Mobile Money. C’est un modèle que les gens maîtrisent bien, donc on veut s’en inspirer pour rendre les services bancaires aussi faciles d’accès que le Mobile Money.
Agence Ecofin : L’un des enjeux de cette levée est aussi de proposer des solutions adaptées aux besoins des PME, qui peinent encore à accéder au financement. Que préparez-vous de ce côté-là ?
Régis Bamba : Les PME, qui sont aussi parmi nos clients, nous disent toutes la même chose : elles aimeraient bénéficier de la simplicité de Djamo pour leur entreprise. Aujourd’hui, ouvrir un compte courant pour une société est encore trop compliqué et frustrant. Et dans notre base d’utilisateurs, on observe un segment d’entrepreneurs informels – ceux qui ont un emploi, mais développent aussi une activité à côté, ce qu’on appelle ici un "gombo". Avec le temps, ces activités se professionnalisent et ces entrepreneurs veulent pouvoir faire grandir leur entreprise avec des outils plus adaptés.
Notre défi, c’est donc de leur proposer des solutions professionnelles, tout en conservant la flexibilité qui fait la force de Djamo. Mais on avance prudemment : on veut d’abord bien comprendre leurs besoins, et surtout s’assurer qu’on dispose du cadre réglementaire adéquat pour proposer ces offres. C’est une évolution naturelle pour nous, car notre clientèle évolue aussi. On veut donc adapter notre simplicité au monde de l’entreprise – mais ce sera progressif.
Agence Ecofin : Vous avez évoqué votre présence au Sénégal depuis 2023. Quelles sont aujourd’hui vos ambitions d’expansion régionale ou internationale ?
Régis Bamba : Pour l’instant, nous restons concentrés sur la Côte d’Ivoire et le Sénégal, qui sont nos deux marchés prioritaires. Ce sont aussi les deux plus gros marchés de l’UEMOA. Il y a encore énormément d’opportunités à explorer dans ces pays, que ce soit en termes de services ou de segments de clientèle. Si demain, une expansion devait se faire, elle se ferait logiquement dans d’autres pays de l’UEMOA, car ils partagent la même réglementation. Cela simplifie beaucoup les choses : on connaît déjà les règles, les exigences en matière de conformité.
« Si demain, une expansion devait se faire, elle se ferait logiquement dans d’autres pays de l’UEMOA, car ils partagent la même réglementation. »
Mais pour le moment, notre stratégie, c’est de creuser en profondeur ces deux marchés. On veut y lancer de nouveaux services, consolider ceux qui existent déjà et toucher plus de personnes.
Agence Ecofin : Depuis le 6 mai, la BCEAO a lancé une campagne de régulation stricte du secteur des fintechs dans l’UEMOA, imposant des exigences renforcées pour l’agrément des établissements de paiement. Cela a conduit à des suspensions brutales d’activités, notamment au Sénégal, suscitant des inquiétudes. Comment Djamo s’adapte-t-il à ce nouveau cadre ?
Régis Bamba : Il faut rappeler que ce processus n’a pas démarré récemment. Cela fait deux ans que le sujet est sur la table, avec pas mal de pédagogie de la part du régulateur. Les fintechs ont donc eu le temps de s’y préparer. Ce qui s’est passé dernièrement au Sénégal est peut-être soudain dans sa forme, mais reste cohérent avec les annonces de la BCEAO.
De notre côté, nous étions prêts. Nous avons pris les devants, fait le nécessaire, et nous n’avons pas été impactés par ces suspensions. Malheureusement, certaines fintechs ont été touchées malgré leur volonté de se mettre en règle, mais on voit que la BCEAO commence à régulariser leur situation. Des agréments ont été délivrés récemment à celles qui étaient dans les clous.
Il faut aussi noter que cette situation ne concerne que le Sénégal. Les autres pays de l’UEMOA n’ont pas été particulièrement affectés. À mes yeux, c’est un passage obligé pour structurer et consolider l’écosystème. La BCEAO est plutôt ouverte à l’innovation, comparée à d’autres zones. Mais comme il s’agit d’argent, il est normal d’avoir un cadre rigoureux.
« La BCEAO est plutôt ouverte à l’innovation, comparée à d’autres zones. Mais comme il s’agit d’argent, il est normal d’avoir un cadre rigoureux. »
L’idée, c’est de permettre l’innovation dans un environnement sain et sécurisé. Et avec les projets en cours, notamment celui sur l’interopérabilité, je pense qu’on avance dans la bonne direction pour renforcer l’inclusion financière.
Agence Ecofin : Le secteur fintech ivoirien connaît un essor remarquable. Entre les acteurs comme vous, Push, Wave, ou les opérateurs télécoms qui se lancent aussi dans la fintech, la dynamique semble bien enclenchée. Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce développement ?
Régis Bamba : Plusieurs tendances l’expliquent. D’abord, l’accès à Internet s’est nettement amélioré. Les prix ont beaucoup baissé, ce qui a permis à un plus grand nombre de personnes de se connecter. Ensuite, les smartphones sont devenus beaucoup plus abordables. Aujourd’hui, avec 30 000 ou 40 000 FCFA, on peut s’en procurer un. Cela n’était pas le cas il y a encore quelques années.
Tout cela a fait évoluer les usages : les gens sont de plus en plus connectés. Certains événements se déroulent entièrement en ligne, et la pandémie de Covid a accéléré cette digitalisation. Même nos parents et grands-parents sont désormais à l’aise avec WhatsApp ou les appels vidéo.
À cela s’ajoute un environnement réglementaire relativement favorable à l’innovation. La BCEAO joue un rôle facilitateur. Et surtout, la population est très réceptive. Le passage du cash au mobile money a été rapide, et aujourd’hui, on peut quasiment tout payer avec son téléphone. Cette adoption massive prépare le terrain pour la prochaine étape : la banque digitale.
« Aujourd’hui, on peut quasiment tout payer avec son téléphone. Cette adoption massive prépare le terrain pour la prochaine étape : la banque digitale. »
Les gens veulent désormais aller au-delà du simple dépôt ou retrait. Ils commencent à se poser des questions sur l’épargne, l’investissement, l’accès au crédit, etc. Cela crée une demande à laquelle les innovateurs peuvent répondre.
Enfin, il y a un contexte économique et politique relativement stable en Côte d’Ivoire. C’est un vrai facteur d’attractivité. Comparé à d’autres pays de la région comme le Nigeria ou le Ghana, qui sont confrontés à la dévaluation de leur monnaie, la Côte d’Ivoire offre plus de visibilité et de sécurité. Cela attire des entrepreneurs et des investisseurs qui voient dans ce pays un bon point de départ pour développer leurs projets.
Agence Ecofin : Peut-on dire que le gouvernement ivoirien accompagne activement cette dynamique ?
Régis Bamba : Oui, on peut le dire. Mais selon moi, ce n’est pas le principal moteur. Ce qui fait avancer le marché, c’est surtout la demande. Les besoins sont là, et des entrepreneurs y répondent avec des solutions concrètes. C’est la logique du marché : quand il y a une demande claire, et un environnement stable, les projets se lancent naturellement.
Comparé à d’autres marchés plus risqués, ici, les entrepreneurs n’hésitent pas. Le contexte est rassurant. C’est ce qui explique aussi pourquoi certains acteurs étrangers commencent à s’installer en Côte d’Ivoire.
Agence Ecofin : En parlant de la sphère anglophone, votre levée de fonds de 17 millions de dollars en 2024 dépasse celle de 2022 (14 millions). Mais comparée aux montants mobilisés dans des pays comme le Nigeria ou le Kenya, cela reste encore modeste. Qu’est-ce qui explique cette différence entre les zones francophone et anglophone ?
Régis Bamba : Ces marchés sont tout simplement plus matures que les nôtres. Ils ont pris de l’avance, sans doute parce qu’ils ont osé prendre certains risques plus tôt. Résultat, leur écosystème a évolué plus rapidement, avec davantage de compétences disponibles. Et comme il n’y a pas de barrière linguistique, les investisseurs internationaux s’orientent naturellement vers ces pays. Il faut aussi noter que ce sont de grands marchés : Nigeria, Kenya, Ghana… Cela leur donne une attractivité certaine.
Mais la tendance évolue. Dans la zone CFA, nous avons des environnements économiques plus stables, sans dévaluation monétaire, ce qui rassure les investisseurs. Et ces derniers commencent à en prendre conscience.
« Dans la zone CFA, nous avons des environnements économiques plus stables, sans dévaluation monétaire, ce qui rassure les investisseurs. Et ces derniers commencent à en prendre conscience. »
La levée de fonds que nous avons réalisée en est une preuve concrète : c’est la plus importante jamais réalisée par une start-up ivoirienne. Cela montre que c’est possible et que la francophonie attire désormais l’attention.
À nous maintenant, en tant qu’entrepreneurs, d’être à la hauteur. Il faut proposer des solutions innovantes, solides et pérennes, capables de convaincre durablement les investisseurs. Je suis convaincu que c’est un mouvement qui va s’amplifier. Chez Djamo, on commence déjà à voir cette dynamique : certains de nos collaborateurs sont inspirés au point de vouloir lancer leur propre entreprise, que nous pourrons accompagner. Cela crée un écosystème vertueux, dans lequel d’autres fintechs viendront aussi se greffer. Dans cinq ans, je suis persuadé que l’Afrique francophone aura considérablement gagné en maturité, au point de peser très lourd dans la tech africaine.
Agence Ecofin : Face à la montée de la concurrence sur votre segment, avec des acteurs qui proposent des services similaires, comment Djamo entend-il garder son avance ?
Régis Bamba : Il faut garder en tête que nos marchés restent jeunes. La vraie concurrence, ce n’est pas une autre fintech : c’est le cash. Aujourd’hui, 80 % des transactions en Afrique subsaharienne se font encore en espèces. Cela veut dire que nous avons un terrain immense à conquérir, et qu’il y a de la place pour plusieurs acteurs. En général, on ne se marche même pas sur les pieds, chacun allant chercher un segment non encore converti.
« La vraie concurrence, ce n’est pas une autre fintech : c’est le cash. Aujourd’hui, 80 % des transactions en Afrique subsaharienne se font encore en espèces. »
Bien sûr, certains avancent plus vite, mais cela ne menace pas nécessairement les autres. Chez Djamo, nous misons sur la collaboration. Il y a des enjeux cruciaux comme la sécurité des transactions, la protection des données ou encore la lutte contre la fraude. Ce sont des défis qu’aucune fintech ne peut relever seule. Nous avons donc choisi d’ouvrir notre plateforme à d’autres acteurs, pour créer un écosystème intégré. Ce modèle coopératif est, à mon sens, la meilleure voie pour faire progresser l’inclusion financière.
Agence Ecofin : Et sur le plan social, quel rôle doivent jouer les fintechs dans des pays comme la Côte d’Ivoire ?
Régis Bamba : Selon moi, l’éducation financière est le pilier principal. Dans nos systèmes éducatifs, ce sujet est largement absent, alors qu’il détermine énormément la qualité de vie future des individus. Une fintech a donc le devoir de former ses utilisateurs, de les aider à comprendre comment gérer leur argent intelligemment.
Chez Djamo, nous y consacrons beaucoup de ressources. Chaque produit est conçu pour être simple, accessible, et nous créons du contenu – vidéos, articles, tutos – pour accompagner l’utilisateur. L’idée, c’est de transmettre des compétences réutilisables, même sur d’autres plateformes. C’est cela, pour moi, la vraie valeur sociale d’une fintech.
Agence Ecofin : L’éducation financière manque souvent dès le plus jeune âge…
Régis Bamba : Exactement. Et les conséquences sont visibles : régulièrement, on voit des vagues d’arnaques type Ponzi, ou des investissements douteux qui séduisent des gens mal informés. Notre rôle, c’est de sensibiliser, de rappeler que la vraie richesse se construit sur la durée, avec de bonnes habitudes. Cela passe aussi par des prix accessibles. Grâce à la technologie, nous réduisons nos charges – pas besoin d’ouvrir cinq agences, tout se fait à distance. Ces économies, on peut les répercuter sur le client pour proposer des tarifs plus bas. C’est ainsi qu’on crée un cercle vertueux qui facilite l’adoption du digital.
Agence Ecofin : Une dernière question : envisagez-vous, à terme, une entrée en bourse, notamment à la BRVM ?
Régis Bamba : C’est une piste que nous ne négligeons pas. Étant donné notre position dans l’écosystème, nous avons au moins le devoir d’y réfléchir sérieusement. La BRVM est un pilier de l’environnement financier régional, et cela aurait du sens d’y inscrire un modèle comme le nôtre. Bien sûr, cela devra aussi faire sens pour les investisseurs et pour Djamo. Mais ce n’est pas à exclure. C’est une option crédible dans notre vision à long terme.
Interview réalisée par Charlène N’dimon
Chaque week-end, la rédaction de We Are Tech Africa vous rappelle les principales informations de la semaine dans le domaine du numérique en Afrique, ainsi que leurs implications.
Orange - AFD : un nouveau cadre de coopération pour soutenir le numérique en zone MEA
Orange et l’Agence française de développement ont signé un accord de trois ans pour renforcer leur coopération numérique en Afrique et au Moyen-Orient. Le partenariat vise à réduire la fracture numérique, développer des infrastructures, former les jeunes et promouvoir des solutions durables, notamment dans les zones rurales et vulnérables.
Blockchain : Bitget et l’UNICEF s’associent pour former 300 000 jeunes dans 8 pays
Bitget s’est associée à l’UNICEF Luxembourg pour former 300 000 jeunes dans le monde, dont des Marocains et des Sud-Africains, aux compétences numériques et à la blockchain d’ici 2025. L’initiative, centrée sur l’inclusion des filles, vise à réduire les inégalités de genre et à soutenir l’éducation numérique en Afrique et au-delà.
L’Algérie lance une plateforme pour faciliter les campagnes de dons de sang
L’Algérie a lancé une plateforme numérique pour faciliter le don de sang et améliorer la coordination entre donneurs et centres de transfusion. Accessible en ligne, elle permet l’inscription, la géolocalisation des centres et la gestion des stocks, s’inscrivant dans une stratégie de modernisation du système national de collecte.
Burundi : Mediabox déploie un système interconnecté pour les services fonciers
La société burundaise Mediabox a lancé un système de gestion électronique des documents au sein de l’administration foncière, avec l’appui de la Banque mondiale. Ce dispositif interne vise à améliorer la traçabilité, la sécurité et l’efficacité des opérations foncières, dans un pays confronté à de lourds défis en matière de gouvernance foncière.
Comores : le numérique s’invite à l’école avec les plateformes E-Shiyo et E-Msomo
Les Comores ont lancé deux plateformes éducatives, E-Shiyo et E-Msomo, pour améliorer l’accès à l’éducation et moderniser la gestion scolaire. Soutenue par l’UNICEF et ANADEN, l’initiative s’inscrit dans la stratégie Comores Numérique 2028 et vise une gouvernance éducative plus efficace, malgré les défis liés à la connectivité et à l’équipement.
Face aux retards persistants dans l’exécution des politiques publiques et au manque de transparence dans l’administration, le gouvernement congolais mise sur le numérique. Avec le SISAG, il espère moderniser le suivi de son action et renforcer la redevabilité.
La République démocratique du Congo s’apprête à lancer, au troisième trimestre 2025, un Système d’information de suivi des actions gouvernementales baptisé SISAG. Ce dispositif technologique vise à centraliser et actualiser en temps réel l’ensemble des données liées à la mise en œuvre des projets prioritaires portés par l’exécutif.
Conçu pour renforcer la rigueur et la réactivité dans l’exécution des projets publics, le SISAG introduit plusieurs fonctionnalités stratégiques, parmi lesquelles : la visualisation en temps réel de l’état d’avancement des projets grâce à des tableaux de bord dynamiques ; la génération automatique d’alertes en cas de retard ou de blocage ; la centralisation des données entre les ministères ; et l’interconnexion avec des institutions clés pour assurer la fiabilité et la fluidité des informations.
L’outil repose sur une interopérabilité avec des institutions telles que l’Institut national de la statistique (INS), le Secrétariat national de renforcement des capacités (SENAREC) ou encore l’Agence pour le développement du numérique (ADN), assurant une circulation fluide et fiable des données.
Le système est soutenu par une Unité technique spécialisée, l’USAG, chargée de coordonner les ministères, de compiler les données et de produire des recommandations fondées sur des analyses objectives. Ce dispositif entend améliorer la reddition de comptes et doter le gouvernement d’un outil d’aide à la décision plus efficace.
Un outil au service du PAG 2024–2028
Ce virage numérique s’inscrit dans le cadre du Programme d’actions du gouvernement (PAG) pour la période 2024–2028, récemment adopté par les autorités congolaises. Ce programme ambitionne d’ancrer l’action publique dans une logique de performance, avec des indicateurs clairs, des objectifs quantifiables et une obligation de résultats.
Le SISAG vient ainsi renforcer l’alignement entre les ambitions politiques et les moyens technologiques, en assurant un suivi minutieux des engagements pris, tout en facilitant une évaluation continue des résultats. Il représente un levier clé pour accélérer les investissements publics, améliorer la coordination interministérielle et renforcer la transparence dans la gestion des ressources.
Une démarche inspirée de modèles internationaux
La RDC s’inspire ainsi d’initiatives mises en œuvre dans d’autres pays africains. Le Rwanda, par exemple, utilise depuis plusieurs années un système de performance basé sur des contrats d’objectifs annuels appelé Imihigo. Le Bénin, de son côté, s’appuie sur l’outil MPAT pour évaluer la performance des ministères. Ces expériences ont démontré que, bien conçus, ces mécanismes peuvent améliorer la redevabilité et dynamiser l’action publique.
Une fois le SISAG pleinement opérationnel, l’exécutif congolais prévoit son extension progressive aux administrations provinciales, pour assurer un suivi plus granulaire des projets locaux. À terme, cet outil pourrait aussi intégrer un volet de transparence publique, en ouvrant une partie des données au public afin d’accroître la confiance des citoyens dans l’action publique. Mais pour que cette ambition se concrétise, il faudra assurer un déploiement rigoureux, un pilotage politique soutenu et une appropriation durable par l’ensemble des acteurs concernés.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Alors que le numérique transforme les systèmes éducatifs dans de nombreux pays africains, les Comores amorcent à leur tour cette mutation, à travers des outils conçus pour relever les défis d’accessibilité, d’équité et de modernisation.
Les Comores disposent désormais de deux plateformes éducatives, E-Shiyo et E-Msomo. Initiées par le ministère de l’Éducation nationale, avec le soutien technique de l’Agence nationale de développement du numérique (ANADEN) et l’appui financier de l’UNICEF, ces solutions visent à améliorer l’accès à l’éducation et à renforcer la gouvernance du secteur.
Le système éducatif comorien entre dans l’ère du numérique avec le lancement des plateformes E-Shiyo 📚 (accès en ligne aux manuels scolaires) et E-Msomo 📱 (gestion numérique des bulletins scolaires).
— UNICEF Comores (@UNICEFComores) June 18, 2025
✅E-Shiyo, c’est une bibliothèque numérique de manuels scolaires en ligne,… pic.twitter.com/91Z8gz80Ql
La plateforme E-Shiyo propose une bibliothèque numérique de manuels scolaires destinée aux élèves du préélémentaire et du primaire. Accessible en ligne sur l’ensemble du territoire, elle permet aux enfants d’accéder aux contenus pédagogiques à tout moment, à partir de tout appareil connecté.
E-Msomo, de son côté, numérise la gestion administrative des établissements scolaires. Elle introduit un système centralisé pour la gestion des bulletins, un identifiant unique pour chaque élève, ainsi qu’un suivi automatisé des résultats académiques. Cette modernisation vise à améliorer la traçabilité des parcours scolaires, à renforcer la transparence et à faciliter la prise de décision par les autorités éducatives.
L’initiative s’inscrit dans le cadre de la stratégie « Comores Numérique 2028 », qui ambitionne de transformer le pays grâce au numérique et d’accroître la contribution du secteur au PIB à hauteur de 5 % d’ici 2028. La modernisation des secteurs clés, comme l’éducation, y occupe une place centrale. À l’échelle du continent, la vague e-learning traduit un potentiel croissant. Selon Ambient Insight, le marché africain de l’apprentissage en ligne devrait dépasser 1,5 milliard USD d’ici 2030.
Au-delà de la distribution de manuels et de bulletins, ces outils marquent une avancée vers une gouvernance plus rigoureuse, grâce à des données consolidées pour l’évaluation des performances scolaires, une réduction des erreurs et une allocation plus efficace des ressources. Les prochaines étapes incluent le renforcement de la connectivité dans l’archipel, où le taux de pénétration d’Internet reste limité à 35,7 % selon Datareportal, l’équipement des écoles en matériel numérique, la formation des enseignants à leur usage et la protection des données.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Le gouvernement ivoirien mise sur le numérique pour rapprocher les services de base des citoyens. De la justice à l’éducation, tous les secteurs sont engagés dans cette dynamique de modernisation.
Le Conseil des ministres a adopté le mercredi 18 juin un décret instituant, sur proposition des ministères de la Justice et de la Transition numérique, le certificat de nationalité numérique et l’attestation récognitive de nationalité en Côte d’Ivoire. Le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly (photo), a expliqué que cette réforme allège considérablement le processus de délivrance du certificat de nationalité. Elle introduit également l’attestation récognitive de nationalité, délivrée sur simple présentation d’une copie d’un certificat existant.
L’attestation récognitive de nationalité, équivalente à la « déclaration recognitive de nationalité » en droit français, permet à tout Ivoirien déjà en possession d’un certificat de nationalité valide et non contesté d’obtenir une version électronique simplifiée, sans avoir à refaire toute la procédure. Pour cela, les juridictions transmettent les copies des certificats délivrés à un dépositaire central chargé de les conserver et de faciliter leur réédition.
L’accès à ces documents se fait via la plateforme e-justice.ci, la même qui permet déjà d’obtenir en ligne des actes tels que le casier judiciaire ou l’acte d’individualité. Le certificat numérique est sécurisé par un cachet électronique visible (CEV), garantissant l’authenticité du document et permettant à tout usager ou administration de vérifier directement sa validité.
Le projet s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de transformation numérique, qui place la modernisation des services publics au cœur de ses priorités. Selon le dernier rapport des Nations unies sur l’e-gouvernance, la Côte d’Ivoire se classe au 124ᵉ rang sur 193 pays, avec un score de 0,5587 à l’indice de développement de l’administration en ligne. Ce positionnement témoigne d’une progression portée notamment par des initiatives comme e-Justice, mais souligne aussi les marges de progrès pour atteindre les standards des administrations les plus digitalisées.
Cette réforme vise à réduire les délais et les coûts des démarches, tout en renforçant la lutte contre la fraude documentaire et en fluidifiant l’accès aux services publics. Dans un contexte de modernisation administrative, ces solutions contribueront à renforcer la confiance des citoyens et à favoriser l’inclusion numérique. L’enjeu est désormais d’assurer une infrastructure fiable, une interopérabilité des plateformes et la formation du personnel pour pérenniser cette avancée.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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La transformation numérique est l’une des priorités du gouvernement zimbabwéen. L’exécutif a par exemple annoncé en avril dernier un programme visant à connecter les 2400 circonscriptions administratives du pays au haut débit Internet d’ici 2030.
Le Zimbabwe devrait se doter d’un Système de gestion électronique des documents et des archives (EDRMS) estimé à 3 millions USD d’ici la fin de l’année. C’est ce qu’a révélé Brenda Mamvura (photo, à droite), directrice générale des Archives nationales du Zimbabwe (NAZ), dans un entretien accordé le mardi 17 juin au média local Herald Online. C’était en marge de la 28ᵉ conférence de la branche régionale d’Afrique de l’Est et australe du Conseil international des archives (ESARBICA), qui se déroule du lundi 16 au vendredi 20 juin à Victoria Falls.
Mme Mamvura a précisé qu’une entreprise a remporté l’appel d’offres et que 60 % des processus d’acquisition sont déjà achevés. Les ministères des Finances, de la Fonction publique ainsi que le Bureau du président et du cabinet ont été choisis pour tester le système avant son déploiement à l’échelle nationale.
Cette initiative s’inscrit dans la volonté du gouvernement de hisser le Zimbabwe au rang des pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2030, en misant sur le numérique comme levier de transformation. Les autorités entendent intégrer pleinement les TIC dans l’ensemble de la société et dans tous les secteurs de l’économie, afin de stimuler un développement socio-économique rapide et durable. Dans l’administration publique, l’exécutif vise une amélioration significative de la qualité des services, une gouvernance plus efficace et réactive aux attentes des citoyens, une gestion optimisée des ressources publiques, ainsi qu’une plus grande participation citoyenne aux affaires publiques.
« Les avantages d’un système EDRMS sont évidents. D’abord, l’intégration des systèmes, qui permet une coordination fluide entre les départements. Ensuite, une meilleure efficacité — les institutions publiques et les entreprises publiques pourront servir leurs clients plus rapidement et plus efficacement », a expliqué Mme Mamvura.
Il faudra toutefois attendre le lancement effectif du système. Pour l’instant, le Zimbabwe n’en est qu’à l’étape pilote, avec trois ministères sélectionnés pour tester l’EDRMS. Par ailleurs, le processus de numérisation soulève plusieurs interrogations, notamment sur les compétences numériques des agents publics, la solidité de l’infrastructure technologique, la disponibilité du matériel informatique adapté, l’accès à un Internet fiable, ou encore la sécurisation des données sensibles.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Selon le think tank américain Brookings, 230 millions d’emplois en Afrique subsaharienne exigeront des compétences numériques d’ici 2030. Le continent peut devenir un vivier de talents, mais cela nécessite des investissements majeurs dans la formation et le développement des compétences.
Le ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels, Yacine El Mahdi Oualid (photo), a annoncé, mardi 17 juin, l’intégration progressive de 40 nouvelles spécialités numériques dès la rentrée prochaine. Cette annonce a été faite à l’occasion d’une rencontre nationale intitulée « Les nouveaux métiers dans le domaine de la technologie de l'information ».
Ces nouvelles filières seront déployées dans plusieurs instituts et centres d’excellence répartis sur l’ensemble du territoire national. L’objectif est de moderniser l’offre de formation professionnelle et de l’aligner davantage sur les besoins réels de l’économie algérienne, en particulier dans les secteurs technologiques à forte croissance. La démarche vise également à renforcer l’insertion professionnelle des diplômés en intégrant des compétences très demandées sur le marché du travail.
Cette réforme s’intègre à une stratégie nationale plus vaste de transformation numérique. La Stratégie nationale de transformation numérique (SNTN), adoptée récemment, ambitionne de former 500 000 spécialistes en TIC tout en réduisant de 40 % la fuite des talents spécialisés vers l’étranger. Cette politique volontariste vise à accompagner la diversification de l’économie nationale, encore fortement dépendante des hydrocarbures, en misant sur un vivier local de compétences numériques.
En marge de cette rencontre, plusieurs conventions de coopération ont été signées, notamment entre le ministère et la Société nationale d’assurance (SAA), pour développer des mécanismes de formation continue et d’apprentissage. Deux autres accords ont été conclus avec Mobilis et la société de formation à distance Beeform Academy, renforçant ainsi les synergies entre secteur public, entreprises et prestataires privés de formation.
Grâce à cette réforme, les autorités visent à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes, à renforcer l’écosystème numérique national et à développer un vivier de talents pour soutenir les ambitions technologiques du pays. À terme, ces efforts pourraient contribuer à faire de l’Algérie un pôle régional en matière de compétences numériques, tout en répondant à la demande locale d’emplois qualifiés dans les TIC.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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