Le Sénégal s’est lancé dans une initiative de réforme des services publics pour rétablir la confiance entre le gouvernement et ses citoyens. La participation collective est encouragée afin d’optimiser les résultats.
Le gouvernement sénégalais a officiellement lancé, le vendredi 24 octobre à Dakar, la deuxième édition du Gov’athon, un hackathon national consacré à la modernisation numérique de l’administration publique. L’initiative constitue une étape clé pour identifier et sélectionner des idées et solutions concrètes visant à améliorer l’efficacité des services publics et à renforcer l’innovation citoyenne.
Lancement officiel du Gov’athon 2025
— Ministère Communication - Télécoms et Numérique (@mctngouvsn) October 25, 2025
Le ton de l’innovation et de la transformation numérique est donné !
Le Ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, M. Alioune SALL, a co-présidé, ce vendredi 24 octobre 2025 à Dakar, aux côtés de M. Olivier Boucal,… pic.twitter.com/JBUpcgfIvb
Cette édition 2025 a suscité un fort engouement, avec 812 projets soumis en dix jours, impliquant plus de 2000 participants issus du monde académique, entrepreneurial et citoyen. Au total, 104 projets ont été sélectionnés, dont 72 dans la catégorie « Étudiants », 11 dans la catégorie « Startups » et 21 dans la catégorie « Citoyens ».
La phase finale, prévue pour décembre prochain, sera précédée d’un programme intensif de suivi et de coaching destiné à perfectionner les projets en lice. À l’issue de cette étape, les meilleures équipes seront récompensées dans les catégories Étudiants et Startups, selon les critères définis par un jury pluridisciplinaire. Les lauréats bénéficieront ensuite d’un accompagnement personnalisé pour déployer leurs prototypes comme solutions concrètes au service de l’administration.
Le Gov’athon s’inscrit dans la dynamique du « New Deal Technologique », la feuille de route nationale lancée en février 2025 pour faire du Sénégal un acteur majeur de l’économie numérique africaine à l’horizon 2034. Cette stratégie prévoit notamment la création de 500 start-up labellisées, la formation de 100 000 jeunes aux métiers du numérique et l’atteinte d’un taux de connectivité de 95 %.
L’édition 2024 avait déjà permis de concrétiser plusieurs projets à fort impact, dont AI Karangué, Firndé Bi et Agri-Drone Vision, récompensés respectivement par 20, 10 et 5 millions FCFA. Ces initiatives avaient démontré le rôle clé du Gov’athon dans la modernisation de l’administration et l’émergence de solutions numériques locales dans des secteurs tels que l’éducation, la santé ou l’agriculture.
Avec cette nouvelle édition, le gouvernement entend renforcer le lien entre innovation citoyenne et gouvernance publique, tout en soutenant l’entrepreneuriat technologique national. Les résultats attendus pourront contribuer à rendre les services publics plus efficaces, accessibles et adaptés aux réalités des usagers.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
Le Sénégal lance une compétition pour moderniser son administration publique
Face aux défis de commercialisation et de productivité, le gouvernement santoméen parie sur la connectivité et les données numériques pour donner un nouveau souffle à son agriculture.
Le gouvernement de São Tomé-et-Príncipe, en partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a officiellement présenté, le vendredi 24 octobre, une nouvelle plateforme numérique destinée à soutenir les agriculteurs dans la diffusion et la commercialisation de leurs produits.
Développée par la Direction de l’entrepreneuriat à la demande de l’exécutif, cette solution vise à fluidifier la circulation des produits agricoles du champ au marché, à réduire les pertes post-récolte et à rapprocher producteurs et consommateurs. Conçue pour être simple et accessible, elle s’appuie sur les usages numériques déjà répandus parmi les exploitants locaux, dont beaucoup disposent de smartphones et utilisent WhatsApp.
Cette innovation s’inscrit dans un programme plus large de promotion de l’employabilité des jeunes dans le secteur agricole. Pilier de l’économie nationale, l’agriculture contribue à environ 14 % du PIB et représente près de 80 % des recettes d’exportation, selon l’Agence française de développement (AFD). Le secteur reste toutefois confronté à plusieurs défis structurels, notamment la difficulté d’accès aux marchés, l’insuffisance d’informations sur les prix et la demande, la faiblesse des circuits de distribution et les pertes post-récolte élevées.
La nouvelle plateforme se positionne comme un outil stratégique pour transformer le potentiel agricole du pays en valeur économique tangible. Elle vise à renforcer la compétitivité des filières locales, à faciliter l’accès aux marchés, à diversifier les débouchés commerciaux et à offrir de nouvelles opportunités aux jeunes entrepreneurs ruraux. À terme, cette digitalisation du secteur agricole est appelée à favoriser une meilleure traçabilité des échanges, une amélioration des revenus des exploitants et une modernisation progressive de l’économie rurale de l’archipel.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
Ochich Magero conçoit une solution numérique pour financer l’agro-transformation
Dans la continuité de sa stratégie de modernisation de l’État, le Gabon expérimente la numérisation de ses caisses publiques. L’objectif est de renforcer la traçabilité et de préparer la transition vers une administration entièrement numérique.
Le gouvernement gabonais prévoit de lancer le 30 octobre la phase pilote de la digitalisation des caisses sociales et fiscales. C’est ce qui ressort des conclusions d’une réunion tenue la semaine dernière au ministère de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation, réunissant les principales institutions concernées par la gestion des cotisations et des recettes publiques.
L’initiative vise à déployer une plateforme intégrée permettant d’automatiser la collecte des cotisations sociales et fiscales, d’assurer le suivi en temps réel des transactions et de renforcer la traçabilité des opérations financières. La phase pilote, prévue jusqu’au 15 décembre, précédera le lancement officiel du dispositif en janvier 2026. Selon le ministère, la plateforme technique est déjà opérationnelle et servira de base à la modernisation des systèmes de gestion des caisses.
Ce projet intervient dans un contexte où le gouvernement cherche à rationaliser la gestion publique et à renforcer la transparence des flux financiers. Les caisses sociales, notamment la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS) et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), connaissent depuis plusieurs années des difficultés de fonctionnement : retards de paiement, lenteur des traitements manuels et absence de traçabilité complète. La digitalisation apparaît ainsi comme une solution structurelle pour fiabiliser la collecte et optimiser la redistribution des fonds sociaux.
La démarche s’inscrit dans la stratégie « Gabon numérique », portée par le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui fait du numérique un levier central de modernisation de l’État. Le ministère de l’Économie numérique a d’ailleurs engagé plusieurs chantiers complémentaires, dont la digitalisation du système de paie des fonctionnaires et l’interconnexion des régies financières à travers la plateforme SIGFiP, déjà en phase de déploiement.
À terme, la numérisation des caisses vise à accroître la transparence dans la gestion des fonds publics, améliorer la mobilisation des recettes et réduire les coûts liés aux procédures manuelles. Elle offrira également à l’État une vision consolidée de la situation financière de ses institutions, tout en renforçant la confiance des citoyens et des entreprises dans la gestion des services publics.
Samira Njoya
Lire aussi:
Le Gabon adopte un cadre légal pour accélérer la numérisation des services publics
Les pays africains intègrent progressivement le numérique à leurs économies. Selon la GSMA, la transformation digitale de l’agriculture pourrait rapporter 923,5 millions $ à la RDC et 972,5 millions $ au Ghana d’ici 2029.
L’Association horticole tanzanienne (TAHA) a lancé une plateforme numérique destinée à connecter les producteurs, acheteurs, exportateurs et prestataires de services du secteur horticole. Selon les informations relayées par le média local Tanzania Invest le lundi 20 octobre, cette plateforme baptisée HortiMarket, est accessible via un site web, une application mobile, un chatbot WhatsApp et un code USSD.
Ce nouveau portail digital servira de marché en ligne centralisé où les acteurs de la chaîne de valeur horticole pourront interagir, échanger des informations et conclure des transactions. HortiMarket est envisagé comme une réponse stratégique aux défis persistants d’accès au marché qui freinent la croissance et la compétitivité du secteur horticole tanzanien.
D’après la TAHA, ce service numérique permettra aux acteurs d’accéder à de nouvelles opportunités, de prendre des décisions éclairées et d’améliorer la coordination de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que l’efficacité et la rentabilité globales du commerce horticole.
Cette quête d’efficacité dans les circuits de commercialisation s’inscrit dans une stratégie plus large de croissance de la filière sur le segment des exportations. En juin dernier, la TAHA dévoilait son ambition de porter les recettes d’exportation de fruits et légumes à 2 milliards $ d’ici 2030, soit une valeur presque cinq fois supérieure à la moyenne annuelle de 382 millions $ engrangée par la filière entre 2021 et 2024, selon les données compilées par la Banque centrale du pays.
Le principal défi pour la TAHA consistera à orchestrer efficacement la participation de plus de 500 000 petits producteurs actifs dans l’industrie horticole locale, en les intégrant à travers la plateforme numérique. En effet, le déploiement d’un service numérique dans le secteur agricole soulève la question de l’accessibilité en milieu rural, où l’usage d’Internet et des smartphones reste limité.
Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), 31,9 % de la population en Tanzanie a accès à Internet, ce qui suggère que près des deux tiers de la population n’y ont pas encore accès. Cette fracture numérique pourrait limiter l’adoption de la plateforme, d’autant plus que près de 60 % des Tanzaniens vivent dans des zones rurales où l’agriculture et les activités liées à l’agriculture sont essentielles à leur subsistance, d’après les données de la Banque mondiale.
Stéphanas Assocle
Lire aussi:
Transformation numérique : la Tanzanie s’inspire du modèle estonien
Le Maroc, à travers sa stratégie « Digital Maroc 2030 », ambitionne de renforcer son positionnement en tant que hub régional pour l’outsourcing et les exportations numériques. L’objectif est de porter les revenus issus du digital à 40 milliards de dirhams (environ 4,3 milliards de dollars) d’ici 2030, soit plus du double des 15,8 milliards enregistrés en 2022.
L’exportation de services numériques et l’externalisation s’imposent désormais comme l’un des moteurs discrets des exportations marocaines. En 2024, ces activités se sont consolidées, enregistrant une légère amélioration par rapport à 2023, avec un total de 26,2 milliards de dirhams (soit 2,8 milliards de dollars), en hausse de 0,2 % selon l’Office des Changes. Les chiffres du premier semestre 2025 confirment cette dynamique, atteignant 13,4 milliards de dirhams, soit une progression de 3,5 % par rapport à la même période de 2024 (12,9 milliards de dirhams).
L’exportation des services numériques et l’externalisation se traduisent par la mise à disposition d’une main-d’œuvre marocaine qualifiée au service d’entreprises ou de clients étrangers. Depuis le Maroc, des équipes locales spécialisées exécutent des tâches numériques pointues pour le compte de sociétés étrangères. Il est également possible que des sociétés internationales confient des parties de leurs activités, généralement celles de supports ou de service client, à des prestataires marocains pour réduire leurs coûts.
Les services numériques constituent la composante la plus dynamique et la plus demandée par les entreprises internationales, représentant la majorité des revenus générés par les exportations du secteur.
Les chiffres
Selon l’Office des Changes, « la ventilation par écosystème du secteur laisse apparaitre, en 2024, la prédominance des activités des services informatiques et technologiques avec une part de 40,3%, suivies des services relatifs à la gestion de la relation client (CRM : Centres d’appels) avec 37,4% ». À eux deux, ils pèsent 78% des exportations.
|
Services |
Compétences |
Contribution aux revenus du secteur |
|
Services informatiques et technologiques (ITO) |
Développement, maintenance, cybersécurité, assistance, etc. |
40,3% |
|
Gestion de la relation client (CRM) |
Centres d'appels, assistance après-vente, support multilingue, etc. |
37,4% |
|
Services d'ingénierie (ESO) |
Conception, tests, intégration de systèmes, prototypage, etc. |
13,2% |
|
Processus d’entreprise (BPO) |
Comptabilité et traitement des factures, gestion des stocks et logistique, saisie et traitement massif de données, etc. |
8,9% |
|
Processus de connaissance (KPO) |
Recherche et analyse financière, conception de stratégies marketing, analyse de données business intelligence |
0,2% |
Malgré les tensions globales (inflation, taux de change), l'externalisation des services d'ingénierie a aussi enregistré de la croissance, signe d'une montée en gamme progressive. Entre 2023 et 2024, les recettes du secteur sont passées de 3,2 milliards de dirhams à 3,4 milliards. Pour le premier semestre 2025, il affichait déjà 2,5 milliards.
L’externalisation des processus métier (BPO) a aussi enregistré de la croissance passant de 1,9 milliard de dirhams à 2,3 milliards entre 2023 et 2024 pour afficher 1,3 milliard en début d’année 2025. Par contre, l’externalisation des processus de connaissance (KPO) a connu un fort recul, passant de 78 à 48 millions de dirhams pour atteindre 21 millions au premier semestre 2025.
Renforcer l’activité
La stabilité de l’ensemble des recettes 2024, malgré la conjoncture et les signaux positifs du premier semestre 2025, soutient les entrées de devises et la diversification des exportations au-delà des biens. L'accélération de l’ingénierie en particulier démontre que le Maroc ne se contente plus d'être une plateforme de centres d'appels, il s'affirme également comme un hub d'ingénierie à proximité de l'Europe, avec des délais réduits et une capacité à travailler selon les standards internationaux.
Le dynamisme des différents services numériques externalisés se traduit sur l’économie marocaine par des emplois qualifiés et des revenus stables. Les centres d'appels et les activités de support recrutent des jeunes dotés d'un bon niveau linguistique et de compétences relationnelles, et offrent des perspectives d'évolution. Les services informatiques et technologiques, quant à eux, stimulent la demande pour des profils plus techniques, mieux rémunérés. Le ministère de la Transition numérique et de la Réforme administrative révèle que l’exportation des services numériques et l’externalisation enregistraient déjà 141 000 emplois en 2023 contre 130 000 en 2022 et 100 000 en 2020.
Le Maroc entend mieux piloter cette trajectoire croissante de son secteur d’exportation de services numériques et de l’externalisation. L'Office des Changes et le ministère de la Transition numérique ont lancé un chantier pour moderniser les indicateurs de suivi des exportations de services numériques. Objectif : disposer de données plus fines pour cibler la formation, l'attractivité des territoires et les niches prometteuses. Ce travail s'inscrit dans la stratégie Digital Morocco 2030.
Défis
Pour préserver cette dynamique de croissance dans l'exportation de services numériques et l'externalisation, le Maroc devra relever trois défis majeurs. L'adaptation à l'ère de l'automatisation : face à la reconfiguration des métiers par l'IA, une montée en compétences continue est indispensable pour maintenir la compétitivité et l'emploi. Il y a ensuite l'exigence de qualité et de sécurité. En effet, pour rivaliser à l'international, il est crucial de garantir des niveaux de service élevés, une cybersécurité robuste et une continuité d'activité irréprochable. Enfin, le développement des talents et des territoires. Attirer des projets à plus haute valeur ajoutée nécessite à la fois un vivier élargi de compétences – via la formation initiale, continue et les certifications – et un maillage territorial d'infrastructures au-delà des grandes villes. La réussite dépendra surtout de la capacité à exécuter ces réformes de manière cohérente entre les différents acteurs gouvernementaux.
Muriel Edjo
Lire aussi:
Le Maroc lance un programme national pour initier les enfants au numérique et à l’IA
Le Maroc comme phare de la transformation numérique en Afrique et dans le monde arabe
En 2023, seulement 27% de la population d’Afrique subsaharienne avait accès à l’Internet mobile, selon la GSMA. L’accessibilité financière des smartphones est l’une des principales causes de cette fracture numérique.
L’Association mondiale des opérateurs télécom (GSMA) et six grands opérateurs africains, dont Orange, se mobilisent pour élargir l’accès des Africains au smartphone. Le mardi 21 octobre, lors du Mobile World Congress de Kigali au Rwanda, ils ont présenté un accord sur un standard technique minimal (mémoire/RAM, écran, batterie, caméra, etc.), garantissant un appareil de qualité offrant une expérience 4G « suffisante » et durable, au prix compris entre 30 et 40 $.
Selon la GSMA, la valeur des composants physiques d’un smartphone (écran, processeur, mémoire, radio, batterie, etc.) représente 50 à 70 % de son coût total. Mais aucun composant, pris isolément, ne permet de réduire le prix sans dégrader l’expérience utilisateur (trop peu de mémoire, caméra médiocre, batterie qui surchauffe…). Une baisse durable des prix nécessite à la fois d’optimiser la valeur des composants, de produire en volume (effets d’échelle) et de rationaliser tout ce qui entoure la production : brevets, licences, logistique, marges des distributeurs. La standardisation permet à tous de commander le même modèle, ce qui incite les fournisseurs (écrans, batteries, etc.) à réduire leurs prix grâce aux volumes importants. L’objectif du standard GSMA est exactement cela : fédérer les commandes autour d’un modèle unique, rassurer les fabricants et permettre une production en grande série à moindre coût.
Comment atteindre l’objectif ?
Pour concrétiser cette vision, la coalition s’appuiera sur deux leviers. Dans les prochains mois, la GSMA prévoit de collaborer avec les fabricants d’équipements d’origine (OEM) et les entreprises technologiques pour discuter des exigences minimales et obtenir leur soutien en faveur d’appareils 4G abordables. Parallèlement, elle encourage les gouvernements africains à supprimer rapidement les taxes sur les smartphones d’entrée de gamme, dont le prix est inférieur à 100 dollars. Par exemple, en Afrique du Sud, en mars 2025, les autorités ont supprimé les droits d’accise pour les smartphones coûtant moins de 2 500 rands (136 $), afin de réduire la barrière d’accès pour les ménages modestes.
« Dans certains pays, la TVA et les droits d’importation peuvent augmenter le prix des appareils de plus de 30 %, ce qui alourdit directement le coût pour les citoyens et freine l’inclusion numérique », dénonce l’Association. Vivek Badrinath, directeur général de la GSMA, précise : « L’accès à un smartphone n’est pas un luxe, c’est un lien vital vers les services essentiels, les opportunités de revenus et la participation à l’économie numérique. En s’unissant autour d’une vision commune pour des appareils 4G abordables, les principaux opérateurs africains et la GSMA envoient un signal fort aux fabricants et aux décideurs politiques. »
Pourquoi c’est décisif ?
En Afrique, le principal frein à l’accès aux services mobiles n’est plus la couverture réseau, mais le coût des téléphones. Au cours des dix dernières années, les sociétés de téléphonie ont beaucoup investi pour étendre leur couverture et répondre à la demande croissante en connectivité. Ainsi, en 2024, la couverture mobile sur le continent atteignait 86 % pour la 3G, 71 % pour la 4G et 11 % pour la 5G, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cependant, seuls 52 % des Africains étaient connectés au haut débit mobile.

GSMA Intelligence estime qu’un smartphone à 40 dollars pourrait permettre à 20 millions de personnes supplémentaires en Afrique subsaharienne d’accéder à Internet mobile, tandis qu’un appareil à 30 dollars pourrait connecter 50 millions de personnes.
Pour qu’un smartphone soit considéré abordable, la GSMA indique qu’il doit représenter entre 15 % et 20 % du revenu mensuel moyen. Cette proportion se base sur l’observation des pays où l’adoption des smartphones est élevée (plus de 60 %, 70 % et 80 %). Selon la Banque mondiale, dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le coût d’un smartphone d’entrée de gamme représente en moyenne 18 % du revenu mensuel d’un adulte. Pour les 40 % des ménages les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, ce chiffre grimpe à 73 %.
Pour les opérateurs télécom, démocratiser le smartphone n’est pas anodin : cela signifie un volume plus important de consommateurs d’Internet et, par conséquent, une augmentation de leurs revenus issus des données.
Au-delà de l’aspect technique et fiscal
Rendre le smartphone réellement accessible ne se limite pas à en réduire le prix. Il faut combiner plusieurs leviers pour abaisser la barrière d’entrée et garantir un usage durable. Le financement joue un rôle clé : proposer des paiements échelonnés via les opérateurs ou des microcrédits adaptés aux revenus irréguliers, avec une transparence totale sur les frais et une assurance en cas de panne, facilite l’accès. L’après-vente est tout aussi déterminante : disposer d’un réseau de réparation de proximité, de pièces détachées disponibles et de prix plafonnés prolonge la durée de vie des appareils, réduit les déchets et protège le pouvoir d’achat.
Les compétences numériques sont également cruciales. Beaucoup de personnes perçoivent encore le smartphone comme un produit de luxe simplement parce qu’elles ne savent pas l’utiliser. Former les utilisateurs aux fonctions de base augmente leur autonomie et valorise l’appareil, ce qui relativise son coût face à son utilité quotidienne.
En combinant ces différents leviers, l’acquisition d’un smartphone devient un véritable investissement. L’appareil se transforme en outil de travail, de formation et d’accès aux droits essentiels. Pour que cette dynamique fonctionne sur le long terme, il est nécessaire que les politiques publiques et l’industrie co-conçoivent des parcours complets, depuis l’achat jusqu’à la maintenance, afin que le smartphone devienne un vecteur durable d’inclusion numérique.
Muriel Edjo
Lire aussi:
Numérique : Madagascar veut doter des chefs d’arrondissement de smartphones
Réduire la fracture numérique : Madagascar équipe ses citoyens en appareils connectés
L’Afrique s’oriente vers une gestion foncière plus moderne grâce aux technologies satellitaires et aux systèmes cadastraux numériques. Ces outils promettent une meilleure transparence, une fiscalité optimisée et une exploitation durable des ressources.
Digital Telecom, filiale de Digital Afrique Telecom (DAT) basée à Abidjan, a annoncé, le mercredi 22 octobre, un partenariat avec l’entreprise estonienne AS Datel, spécialisée dans les technologies géospatiales. L’accord prévoit le déploiement de solutions satellitaires et cadastrales numériques avancées à travers l’Afrique, afin de moderniser la gestion foncière, de détecter les constructions illégales et de surveiller l’exploitation minière non autorisée.
« En nous associant à AS Datel, nous apportons des technologies de gouvernance satellitaire et numérique de classe mondiale en Afrique. Il s’agit plus que de la simple technologie : il s’agit de donner aux gouvernements les moyens de protéger leurs ressources, d’assurer la transparence et de récupérer les revenus qui peuvent être réinvestis dans les services publics », a déclaré Simplice Anoh, PDG de Digital Telecom.
Le partenariat prévoit notamment la mise en place d’un système de cadastre électronique avancé, une plateforme centralisée entièrement numérique intégrant des cartes cadastrales actualisables, des modules automatisés de taxe foncière, ainsi que des outils de contrôle et de sécurisation des échanges de données. Cette innovation offrira aux autorités locales et nationales la possibilité de tenir des registres immobiliers précis, de rationaliser la perception de l’impôt et de renforcer la transparence au bénéfice des citoyens et des investisseurs.
AS Datel, d’origine estonienne, provient d’un pays reconnu pour son excellence en matière d’e-gouvernement et de systèmes numériques sécurisés. Forte de son expertise en systèmes d’information géographique (SIG) et en observation de la Terre, l’entreprise apporte un savoir-faire technologique éprouvé. Pour Digital Telecom et sa maison mère Digital Afrique Telecom, cette initiative répond à la volonté des États africains de moderniser leurs systèmes fonciers et de mieux encadrer l’exploitation des ressources naturelles tout en renforçant la transparence fiscale.
Ce projet intervient dans un contexte régional marqué par la croissance rapide des technologies géospatiales. Le marché du secteur au Moyen-Orient et en Afrique pourrait atteindre 69,7 milliards de dollars d’ici 2030, selon Grand View Research. Cette expansion est portée par l’adoption croissante des outils de géolocalisation, de télédétection et d’analyse spatiale dans l’agriculture, la gestion des ressources et l’urbanisme.
À terme, cette alliance technologique est appelée à transformer la manière dont les autorités africaines enregistrent les biens, appliquent les taxes foncières et surveillent les activités illégales. En dotant les États d’outils numériques fiables, elle ouvre la voie à une gouvernance plus transparente, à des recettes publiques renforcées et à une meilleure protection des ressources environnementales.
Samira Njoya
Lire aussi:
La Côte d’Ivoire lance un portail numérique pour moderniser la gestion minière
Le Nigeria mise entre autres sur la coopération internationale pour réussir sa transformation numérique, considérée comme un catalyseur de développement socio-économique. Le pays veut notamment faire passer la part des TIC à 22 % du PIB d’ici 2027.
Le Nigeria souhaite renforcer sa coopération avec le Danemark dans les domaines de l’infrastructure numérique, de l’intelligence artificielle, de la connectivité et de l’innovation. Les deux parties ont signé un protocole d’accord à cet effet en début de semaine.
L’accord a été signé par le ministre nigérian des Communications, de l’Innovation et de l’Économie numérique, Bosun Tijani, et la secrétaire d’État danoise au Commerce et à l’Investissement, Lina Gandløse Hansen, lors de la quatrième édition du « NORDIC Nigeria Connect » qui s’est tenue le mardi 21 octobre à Lagos.
« Nous travaillerons ensemble à l’expansion des infrastructures à large bande, à la mise en œuvre de solutions de gouvernance numérique intelligente et à la création de passerelles permettant aux talents technologiques nigérians de contribuer aux entreprises danoises, tant à distance qu’en présentiel », a déclaré le ministre dans un communiqué publié sur X, le 22 mercredi octobre. Il a ajouté que le Danemark a promis un soutien de 12 millions d’euros via l’Union européenne pour le programme 3MTT Nigeria, qui vise à former 3 millions de talents technologiques.
“When Nigeria calls for collaboration, Denmark responds,” - Strong and encouraging words from Danish State Secretary for Trade, Lina Gandløse Hansen as Nigeria and Denmark formalised a new era of digital cooperation through a Memorandum of Understanding (MoU).
— Dr. 'Bosun Tijani (@bosuntijani) October 22, 2025
Working with… pic.twitter.com/HPZldc4OfB
Selon M. Tijani, ce mémorandum d’entente témoigne une fois de plus de la volonté du Nigeria de s’ouvrir aux partenariats et d’adapter les meilleures pratiques mondiales au contexte local. Le Danemark, par exemple, est classé premier sur 193 pays à l’Indice de développement de l’e-gouvernement des Nations unies avec un score de 0,9847, bien au-dessus de la moyenne mondiale de 0,6382. Le Nigeria, quant à lui, occupe la 144e place avec un score de 0,4815.
Le Danemark figure également dans la catégorie des exemples à suivre (Tier 1) à l’Indice global de cybersécurité 2024 de l’Union internationale des télécommunications (UIT), avec un score maximal (20/20) dans les cinq piliers évalués. Le Nigeria, de son côté, est classé dans la troisième catégorie (Tier 3) sur cinq, avec des efforts supplémentaires à fournir en matière de mesures organisationnelles, de développement des capacités et de coopération.
Il convient toutefois de rappeler que si la signature de ce protocole constitue une avancée par rapport aux discussions engagées ces derniers mois, elle ne garantit pas encore une coopération effective. Aucun calendrier n’a été précisé pour la signature de l’accord définitif ni pour sa mise en œuvre.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
Nigeria : vers la construction d’un hub d’innovation de 10 milliards USD à Katsina
Le Nigeria lance une plateforme pour une administration sans papier d’ici fin 2025
Avec la transformation numérique, de plus en plus d’enfants accèdent à Internet, que ce soit pour apprendre, se divertir ou communiquer. Cette ouverture au monde numérique, bien qu’elle offre de nombreuses opportunités, les expose également à divers risques.
Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) ont lancé, le mercredi 22 octobre, un Groupe de travail africain sur la protection de l’enfance en ligne. Cette plateforme multipartite vise à diriger, coordonner et faire progresser les efforts de protection des enfants en ligne à travers l’Afrique, tout en renforçant les capacités nationales et régionales pour assurer leur sécurité sur Internet.
Le groupe rassemble des partenaires issus de l’industrie mobile, du secteur technologique, des autorités de régulation, des forces de l’ordre et de la société civile afin de renforcer la coopération et de mettre en œuvre les cadres et politiques régionaux existants. Les membres actuels incluent Orange, Child Helpline International, Interpol, le Centre international pour les enfants disparus et exploités (ICMEC), Internet Watch Foundation, Paramount Africa…
« Alors que les enfants d’Afrique s’aventurent avec confiance dans le monde numérique, leur sécurité doit passer avant tout. Le Groupe de travail africain sur la protection de l’enfance en ligne est une plateforme résolument africaine pour faire en sorte que la technologie protège les enfants des dangers tout en leur ouvrant des portes vers l’apprentissage, le jeu et l’épanouissement », a déclaré Etleva Kadilli, directrice régionale de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Est et australe.
Cette initiative intervient dans un contexte où de plus en plus d’enfants accèdent à Internet. Selon la GSMA, environ 18 % des enfants âgés de 5 à 7 ans en Afrique subsaharienne utilisent déjà l’Internet mobile, un chiffre en constante augmentation. Parallèlement, l’Union internationale des télécommunications (UIT) estime qu’un enfant dans le monde se connecte à Internet pour la première fois toutes les demi-secondesITU. Pourtant, en 2024, seuls 39 pays africains avaient finalisé l’adoption de stratégies nationales de protection de l’enfance en ligne, tandis que 32 % étaient encore en cours d’élaboration et 41 % n’avaient entrepris aucune démarche en ce sens.
L’UNICEF indique que l’univers numérique expose les enfants à des risques croissants, tels que le cyberharcèlement, l’exploitation, la désinformation ou les contenus nuisibles. Par exemple, un rapport de 2023 indique que dans six pays d’Afrique subsaharienne, 1 enfant sur 10 utilisant Internet avait été victime d’une forme d’abus sexuel numérique au cours de la seule dernière année. L’Indice de sécurité en ligne des enfants (COSI) 2023, cité par l’UIT dans son « Global Cybersecurity Index 2024 », a révélé que près de 70 % des enfants et adolescents âgés de 8 à 18 ans dans le monde ont été confrontés à au moins un incident lié aux cyberattaques au cours de l’annéeITU.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
Le Maroc lance un programme national pour initier les enfants au numérique et à l’IA
L’intelligence artificielle s’impose désormais comme une technologie capable de transformer tous les secteurs d’activité. Le gouvernement burkinabè multiplie les initiatives pour en tirer pleinement parti et poser les bases d’une transformation numérique inclusive et durable.
Le ministère de la Transition digitale, des Postes et des Communications électroniques a annoncé, le mardi 21 octobre, la signature d’une convention de partenariat avec la Radiotélévision du Burkina (RTB). L’accord porte sur l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans la production et la diffusion des contenus médiatiques.
L’accord, paraphé par la ministre Aminata Zerbo/Sabane (photo, à droite) et le directeur général de la RTB, Atéridar Galip Somé, illustre la volonté du gouvernement de tirer parti du potentiel de l’IA tout en maîtrisant ses risques. L’objectif est de rendre l’information plus inclusive et accessible, notamment aux populations ne s’exprimant pas en français, et de renforcer la cohésion sociale à travers une communication multilingue.
Les premières applications concrètes concernent le développement d’outils de traduction automatique entre le mooré et le français, réalisés par des étudiants du Centre interdisciplinaire en intelligence artificielle pour le développement (CITADEL) de l’Université virtuelle du Burkina. Ces solutions permettront à terme de diffuser des contenus audiovisuels multilingues et de renforcer la place des langues nationales dans l’espace médiatique.
Cette initiative s’inscrit dans la stratégie nationale d’intégration de l’IA, qui repose sur trois axes principaux : l’élaboration d’une feuille de route sectorielle, la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et de formation, et le déploiement de projets pilotes dans des domaines clés tels que la santé, la météorologie, la sécurité et l’information.
Le partenariat avec la RTB ouvre aussi la voie à de nouvelles formes de production audiovisuelle locale, notamment la création de dessins animés et de contenus culturels burkinabè, participant ainsi à la souveraineté numérique et culturelle du pays. Il s’agit du deuxième accord du genre après celui signé avec l’Agence nationale de la météorologie (ANAM), préfigurant d’autres collaborations publiques à venir.
Grâce à ce dispositif, le Burkina Faso se dote d’une infrastructure technologique capable de transformer son secteur médiatique. En combinant IA, innovation et formation, le pays ambitionne de moderniser la production de contenus, d’élargir l’accès à l’information dans toutes les langues nationales et de former une génération de professionnels aptes à exploiter les technologies émergentes pour le développement social et culturel.
Samira Njoya
Lire aussi:
Faso Andubè, une initiative présidentielle pour booster l’innovation au Burkina Faso
Après des années marquées par un accès limité au financement et une baisse des levées de fonds, les start-up du continent bénéficient désormais d’une attention renforcée. Des initiatives panafricaines émergent pour stimuler l’innovation, l’entrepreneuriat et renforcer l’écosystème numérique régional.
Le ministre algérien du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig (photo, à gauche), a annoncé, le mardi 21 octobre, la mobilisation d’un milliard de dollars pour financer les start-up et les jeunes innovateurs africains. Ce programme s’inscrit dans le cadre du Fonds de financement des start-up et des jeunes innovateurs à l’échelle africaine, lancé en septembre dernier par le président Abdelmadjid Tebboune.
Selon Kamel Rezig, ce fonds vise à soutenir des projets à fort impact dans des domaines stratégiques tels que la technologie, l’éducation, la santé ou encore l’aide humanitaire. L’objectif affiché est de stimuler la créativité africaine et de renforcer les échanges économiques régionaux en offrant aux jeunes porteurs de projets des mécanismes de financement adaptés.
Le lancement du fonds intervient dans un contexte marqué par un net ralentissement du financement des start-up africaines. Selon Partech Africa, après un pic à 6,5 milliards USD en 2022, les levées de fonds des start-up africaines ont baissé à 3,5 milliards en 2023, puis se sont stabilisées autour de 3,2 milliards en 2024. Cette résilience du secteur technologique africain, malgré le recul mondial du capital-risque, souligne la nécessité de développer des mécanismes de financement internes et durables.
Sur le plan national, Alger s’appuie déjà sur un écosystème entrepreneurial en pleine expansion. En juin dernier, le gouvernement faisait état de 1600 microentreprises, 130 start-up, 1175 projets labellisés « innovants » ainsi que 2800 brevets déposés. L’objectif visé est de porter à 20 000 le nombre de start-up à l’horizon 2029. Des structures telles qu’Algeria Venture et le Fonds national des start-up accompagnent ce dynamisme en facilitant l’accès au capital, le mentorat et la mise en réseau régionale.
Le fonds panafricain est appelé à prolonger cette dynamique en connectant les entrepreneurs algériens et africains dans des secteurs stratégiques comme la fintech, la santé numérique, l’agritech ou les énergies renouvelables. À terme, ces ressources pourraient contribuer à structurer un réseau d’innovation africain intégré, capable de créer des emplois qualifiés, d’accélérer la transformation numérique et de renforcer la résilience économique du continent.
Samira Njoya
Lire aussi:
Algérie : cap sur 20 000 start-up d'ici 2029 grâce à l'université
L’idée de cette jeune pousse est née du fait que la majorité des systèmes d'IA sont entraînés sur des langues dominantes comme l’anglais, le français le chinois, ignorant ainsi des centaines de langues parlées par des millions de personnes à travers le monde, en l’occurrence en Afrique.
OneNine est une start-up fondée par Doudou Ba, un entrepreneur sénégalais installé en Suède, et Duc Anh Tran, un ingénieur tcheco-vietnamien. Elle construit une infrastructure d'intelligence artificielle axée sur la communication en langues africaines, en collectant, triant, annotant et validant des données vocales et textuelles.
#OneNine is the Data Supply Chain for AI.
— Doudou BA (@doudou_onenine) October 23, 2025
We provide production ready dataset to AI labs like @OpenAI @Meta @Google @AnthropicAI @xai @netflix @YouTube saving them 70-80 % FTE.
We are highly specialized in low resource languages and mission to make AI understand everyone.… pic.twitter.com/FxVt4aUHqN
Sa plateforme lancée en août 2025 repose sur un réseau de plus de 160 contributeurs natifs du continent africain, à l'expertise desquels elle ajoute un systeme d'automatisation intelligente. Elle alimente déjà des projets pilotes avec plusieurs entreprises spécialisées dans les données et études linguistiques. « Beaucoup de gens ne savent pas lire ou écrire, mais ils savent parler, peut-être pas en anglais, mais dans leur langue maternelle. Nous voulons que l’IA les entende » explique Doudou Ba.
Pour lui, l’Afrique a un rôle central à jouer dans le futur de l'IA qui « ne dépendra pas seulement de modèles plus puissants, mais de données plus riches et plus diverses. L’Afrique, avec ses centaines de langues, est la plus grande ressource de données inexploitées au monde ».
OneNine se rêve en leader mondial des données linguistiques issues de langues sous-représentées, avec un pipeline en cours de préparation estimé à plus de 500 000 heures de données. La jeune pousse a intégré le programme Google for Startups et participé à la Norrsken Africa Week, un sommet dédié à l’entrepreneuriat, la technologie et l’investissement en Afrique.
À court terme, elle vise des collaborations avec de grands laboratoires d’IA, et entend, à long terme, poser les bases d’une IA véritablement inclusive.
Adoni Conrad Quenum
Edité par : Feriol Bewa
Lire aussi: Rafiki démocratise la sous-traitance en ligne grâce à sa plateforme logicielle
Au cours de l'année écoulée, l'intelligence artificielle (IA) et son potentiel transformateur ont retenu l'attention du monde entier. Le potentiel de l'IA pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2030 est désormais bien établi. En Afrique, il devient urgent de s’approprier pleinement la technologie.
L’Association mondiale des opérateurs télécoms (GSMA) s’est alliée aux six sociétés de téléphonie mobile majeures d’Afrique (Airtel, Axian Telecom, Ethio Telecom, MTN, Orange, Vodacom) pour lancer une collaboration panafricaine ambitieuse. Baptisée « AI Language Models in Africa, By Africa, For Africa », cette initiative, dévoilée le mardi 21 octobre à Kigali, au Rwanda, en marge du Mobile World Congress, a pour mission de développer des modèles de langage inclusifs, conçus pour et par le continent. Objectif : garantir que les langues, les cultures et les savoirs africains trouvent leur juste place dans l’avenir numérique mondial.
Angela Wamola, responsable Afrique chez GSMA, a déclaré que « la diversité linguistique et culturelle de l'Afrique est l'une de nos plus grandes forces, mais elle a trop souvent été négligée dans le développement des systèmes d'IA mondiaux. Cette initiative vise à transformer ce défi en opportunité : renforcer les capacités africaines en matière d'IA, favoriser l'innovation dans les industries locales et veiller à ce que l'Afrique façonne l'avenir numérique selon ses propres conditions. En travaillant ensemble, nous pouvons rendre l'IA plus inclusive, plus pertinente et plus représentative du monde dans lequel nous vivons ».
Orange, qui devance la coalition sur cette problématique, jouera un rôle déterminant dans les travaux. Le 27 novembre 2024, la société française avait signé un partenariat avec OpenAI et Meta pour développer des intelligences artificielles capables de reconnaître et d’interagir avec les langues africaines. Les fruits de cette collaboration devaient non seulement permettre à Orange d’améliorer son service client en langues maternelles africaines, rendant ainsi l’expérience utilisateur plus fluide et accessible, mais aussi contribuer à des projets non commerciaux, notamment dans les secteurs de la santé publique et de l’éducation.
Combler le fossé linguistique numérique
La coalition formée par GSMA, qui réunit également des acteurs du numérique ainsi que des laboratoires de recherche et des start-up innovantes comme African Population for Health Research Center (APHRC), Cassava Technologies, Masakhane African Languages Hub, The World Sandbox Alliance, Lelapa AI, Pawa AI, Qhala, entend combler un fossé critique en matière de données, de puissance de calcul, de talents et de politiques publiques.
La grande majorité des modèles de langage dominants sont aujourd'hui entraînés sur un nombre restreint de langues dites globales, laissant la riche diversité linguistique de l'Afrique – avec ses milliers de langues – gravement sous-représentée. Ce « fossé linguistique » actuel de l'IA marginalise des milliards d'utilisateurs potentiels. Sans modèles adaptés, les populations africaines ne peuvent pas bénéficier pleinement des avancées de l'IA dans des domaines essentiels comme l'éducation, la santé, l'agriculture ou les services publics.
Une proportion croissante de la population est connectée et utilise l'Internet mobile, et le taux de pénétration des smartphones devrait atteindre 88 % d'ici 2030, créant ainsi de nouvelles opportunités pour l'inclusion numérique et l'utilisation de services basés sur l'IA. L'Afrique ne représente que 2,5 % du marché mondial de l'IA, mais selon des estimations récentes, l'IA pourrait faire progresser l'économie africaine de 2900 milliards de dollars d'ici 2030, soit l'équivalent d'une augmentation de 3 % de la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB).
Une étude de faisabilité menée par la GSMA et ses partenaires a confirmé la viabilité technique et économique de modèles de langage conçus localement. La clé du succès réside dans la coordination des efforts pour éviter la dispersion des énergies. La coalition s'organisera donc en groupes de travail thématiques – données, calcul, talents, politiques – et rendra publics ses progrès lors des prochains événements de la GSMA.
Un enjeu de souveraineté et de pertinence locale
Au-delà du symbole, cette initiative représente un enjeu stratégique pour le développement et la souveraineté numérique du continent. Maîtriser les données, les modèles de base et les normes techniques est essentiel pour réduire la dépendance aux plateformes et technologies externes.
Surtout, des modèles entraînés sur des données africaines permettront le développement d'applications ancrées dans les réalités locales. On peut ainsi imaginer des assistants vocaux comprenant le wolof, le swahili ou l'amharique, des outils de triage médical adaptés aux contextes locaux, des contenus pédagogiques contextualisés ou des agents de service public accessibles à tous, y compris dans les langues les plus parlées. GSMA déplore le fait « qu'en Afrique, plus de 2000 langues sont parlées, mais seule une fraction d'entre elles sont prises en charge par les systèmes numériques ou les modèles d'IA. Ce manque d'inclusion risque d'aggraver les fractures numériques et économiques existantes ».
Quatre chantiers prioritaires pour un développement durable
Le plan de cette alliance repose sur quatre chantiers essentiels, avec des défis à chaque niveau. D'abord, les données : il s'agit de rassembler des millions de mots et de phrases dans nos langues africaines, dans le respect strict du consentement et de l'anonymisation, en incluant aussi bien les langues principales que les dialectes locaux et même la langue parlée, sans favoriser uniquement les villes ou les élites. Ensuite, la puissance informatique : entraîner ces intelligences artificielles demande des ordinateurs extrêmement puissants et coûteux ; l'idée est donc que les partenaires mettent leurs ressources en commun pour réduire les coûts et garantir la sécurité des informations. Le troisième défi est celui des talents : il faut former des experts africains en intelligence artificielle et leur offrir des carrières suffisamment attractives pour qu'ils restent sur le continent et fassent grandir cette nouvelle industrie, au-delà des simples projets tests. Enfin, les règles du jeu : les gouvernements doivent aider en créant un cadre juridique clair qui encourage l'innovation et les investissements, tout en protégeant les données des citoyens et en s'assurant que ces nouvelles technologies profitent à tous.
Une feuille de route claire et un appel à la collaboration
Les effets attendus sont structurés dans le temps : des prototypes et benchmarks spécifiques à court terme, des applications sectorielles concrètes à moyen terme (bots clients, outils pour créateurs), et, à long terme, l'émergence d'une capacité africaine autonome en IA, capable de porter des champions locaux et d’irriguer tout l’écosystème.
Les conditions de réussite identifiées incluent une gouvernance transparente, des financements allant au-delà du stade du prototype, une forte interopérabilité technique pour éviter des initiatives isolées et une transparence absolue sur les performances et les biais des modèles.
La coalition lance un appel solennel à l'ensemble de l'écosystème – start-up, universités, industries créatives, société civile, bailleurs de fonds et grandes entreprises technologiques – pour contribuer à cet effort collectif par des données, de la puissance de calcul, des compétences, des cas d'usage ou un soutien financier.
Muriel EDJO
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
Orange collabore avec Meta et OpenAI pour entraîner l’IA aux langues africaines
Les pays africains multiplient les investissements dans le numérique. Une étude conjointe de la Société financière internationale (SFI) et de Google prédit que l’économie numérique en Afrique vaudra au moins 712 milliards $ en 2050, soit 8,5 % du PIB continental.
Le ministère gabonais de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation a révélé un budget de 82 milliards de francs CFA (145 millions de dollars) pour l’année 2026, soit une hausse de 156,2 % par rapport aux 32 milliards FCFA de 2025. Ce budget a été présenté le dimanche 19 octobre 2025 devant l’Assemblée nationale de la transition par le ministre Mark-Alexandre Doumba (photo, à gauche).
Dans un communiqué publié le mardi 21 octobre, le ministère a déclaré que « cette hausse traduit la volonté du gouvernement d’accélérer la transformation numérique du pays, à travers le renforcement de l’écosystème entrepreneurial numérique, le déploiement des infrastructures digitales et la promotion d’une véritable acculturation au numérique sur l’ensemble du territoire ».
Si le communiqué ne précise pas les projets prévus pour 2026, on sait que le gouvernement a engagé ces derniers mois plusieurs initiatives en faveur du développement de l’infrastructure numérique. Par exemple, un accord a été signé avec une société technologique américaine pour la construction d’un centre de données national. D’autres partenaires privés tels que Cisco, Tech 41, Visa, Huawei, Moov Africa Gabon Telecom et Afrastructure SAS ont également été approchés. Les discussions ont notamment porté sur l’extension du réseau national de fibre optique, le renforcement du service universel, le partage d’infrastructures télécoms, le déploiement de la 5G ainsi que la connexion du pays à un nouveau câble sous-marin.
En matière de transformation digitale, le gouvernement a récemment pris une ordonnance qui impose aux administrations publiques de digitaliser leurs services, de s’interconnecter et d’intégrer pleinement le secteur privé national afin de matérialiser la souveraineté numérique.
Pour rappel, le Gabon est classé à la 121e place sur 193 pays à l’Indice de développement de l’e-gouvernement des Nations unies. Le pays a enregistré un score de 0,5741 sur 1, au-dessus des moyennes en Afrique centrale (0,3354) et en Afrique (0,4247), mais en dessous de la moyenne mondiale (0,6382). Il a obtenu son score le plus bas dans l’indicateur des services en ligne, soit 0,3188 sur 1. Son score le plus élevé est dans l’indicateur des infrastructures télécoms, avec un score de 0,8263. Ce résultat est confirmé par l’Indice de développement des TIC 2024 de l’Union internationale des télécommunications (UIT), où le Gabon a obtenu un score de 76,1 sur 100, se classant 11e sur 42 pays africains.
Par ailleurs, l’UIT a classé le Gabon dans la quatrième et avant-dernière catégorie (Tier 4) de son « Global Cybersecurity Index 2024 ». Le pays obtient de très bons résultats dans le pilier des mesures légales, avec le score maximal de 20. Toutefois, des progrès restent à faire dans les domaines des mesures techniques, organisationnelles et de coopération. Le pays a obtenu un score global de 39,86 sur 100.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
Lire aussi:
10 000 ordinateurs pour les étudiants : les ambitions du gouvernement gabonais
Le Gabon adopte un cadre légal pour accélérer la numérisation des services publics